En arrivant devant l’église Ste Odile, nous apprenons qu’un service funéraire se déroulera à l’heure de notre visite. Vincent Delaveau, notre guide-conférencier nous rassure, la visite commencera par la promenade dans le quartier. Il tient cependant à nous parler de l’édifice sans entrer dans les détails. Pour nous protéger de la pluie, nous nous réfugions sous la marquise du square contigu. Face à l’accroissement constant de la population, « les chantiers du cardinal » créés par Monseigneur Verdier en 1932, s’efforcent de faciliter l’implantation de nouveaux lieux de culte à Paris, conjugué à la politique de la ville de Paris visant à créer une ceinture verte (parcs et jardins) sur l’emplacement des fortifications où ont été construites des HBM (habitations bon marché), c’est tout à fait le cadre du projet de construction de Sainte Odile.
Nous repartons vers la rue Flachat sous nos parapluies. Elle débute à l’est au 1 rue Alfred Roll et à l’intersection de la rue Verniquet, place Loulou Gasté et se termine à l’ouest au 51 boulevard Berthier et au 18 avenue Gourgaud sur la place Paul Léautaud. Percée en 1878, elle se borde rapidement d’ateliers d’artistes et d’hôtels particuliers. La voie prend son nom en l’honneur d’Eugène Flachat, ingénieur en chef de la compagnie des chemins de fer de l’Ouest : à cet endroit convergent la ligne de la Petite ceinture et la ligne d’Auteuil.
Ce qui frappe dans cette rue, c’est la diversité des façades, la symphonie de couleurs et le contraste entre les différents styles du XIXe siècle.
Nous admirons d’abord côté boulevard Berthier, puis au 32 de la rue Flachat, la maison Dumas construite par l’architecte Paul Sédille (magasin du Printemps) et surtout les céramiques de Jules Loebnitz. L’hôtel particulier de l’architecte Gaston Aubry nous montre lui le style néo-gothique. La villa de l’architecte Charles Girault, qui a également dirigé la construction du Petit Palais, est un exemple de polychromie au n°14. On retrouve le style néo-Louis XIII dans l’hôtel particulier au n°16, réalisé par Georges Louis Bayard et son jumeau au n°16. La façade de celui du 24, également construit par Bayard, est en pierre blanche inspiré du rationalisme constructif de Viollet le Duc.
Pour résumer cette promenade, une très belle découverte!!!
Nous revenons à 11h30 vers l’église Sainte Odile.
Vincent Delaveau nous fait asseoir pour nous parler de la construction de l’église et nous « conter » l’histoire de Sainte Odile.
Née de la volonté de Monseigneur Edmond Loutil (Pierre l’Ermite, écrivain et chroniqueur au journal La Croix), alors curé de l’église St François de Sales qui voulait absolument ériger une église dédiée à Odile, sainte patronne de l’Alsace, mais également à sa mère portant le même prénom et alsacienne de surcroît. Le jeune architecte Jacques Barge choisi pour cette construction, illustre le concept sacré des soixante douze disciples envoyés par le Christ , ainsi la longueur de l’édifice aura 72 mètres, le clocher aura 72 mètres (le plus haut clocher de Paris). Pour éviter de mettre à mal l’ossature du clocher quand les cloches sonnent, il le sépare de l’église. Les trois coupoles qui symbolisent la Trinité sont faites d’un mince voile de béton protégé par une couche de cuivre. Barge utilisera, pour la structure, du béton rose et un revêtement de briques et pour le soubassement du grès rose de Saverne. Il tire parti de la contrainte du mur aveugle en creusant trois chapelles éclairées par les trois verrières du mur d’en face.
Nous nous tournons vers la verrière mais notre guide nous résume la vie d’Odile avant les explications techniques. Adalric, duc d’Alsace attend son premier enfant et espère un fils. Hélàs, une fille chétive et aveugle nait. Il ordonne qu’on la tue, mais Bereswinde, sa femme réussit à l’en dissuader et la confie à une nourrice qui la cache dans un couvent. A l’âge de 12 ans, l’enfant baptisée par l’évêque Erhard de Rastibonne recouvre la vue et reçoit le nom d’Odile, fille de lumière. Quelque temps après, Odile souhaite revenir auprès de ses parents. Son jeune frère décide d’aller la chercher et ce, contre l’avis de son père. A leur retour, le duc frappe mortellement son fils dans un accès de fureur. Puis saisi par le repentir, le père tolère sa fille à Hohenbourg. Il projette de la marier. Odile s’enfuit en Forêt Noire et pour échapper à son père, un rocher se serait ouvert pour qu’elle s’y réfugie. Adalric comprend enfin quel est le destin de sa fille, lui donne le château de Hohenbourg. De nombreuses jeunes filles rejoignent Odile. Elle fonde un second monastère au pied du Mont Sainte Odile. Elle fait des miracles : rencontrant un mendiant aveugle et assoiffé, elle frappe sur un rocher et en sort une eau bienfaisante, qui coule depuis, obtient à la mort de son père, sa délivrance des tourments de l’enfer.
La verrière de 300 m2 a été exécutée par le maitre verrier François Decorchemont. Elle illustre des scènes de la vie de Sainte Odile dans le vitrail central, celui de gauche représente l’Archange Raphaël. Vincent Delaveau nous demande si nous nous souvenons de l’apéritif St Raphaël et nous explique le lien existant entre cette boisson et l’archange. Un médecin travaillant à l’élaboration d’un apéritif à base de quinquina, invoque Raphaël sentant sa vue baisser en sachant que l’Archange avait rendu la vue à Tobie. Le vitrail de droite raconte la vie de l’Archange Michel. Decorchement utile la technique de la pâte de verre, une vraie prouesse technique, les vitraux sont désormais liés par du ciment et non par du plomb. Chaque pièce de la verrière possède son propre moule. Tout l’art consiste à savoir mélanger les pâtes colorées pour obtenir des effets de modelés et de décors. Les petits traits ne sont pas produits par de la grisaille mais par un sillon dans la pâte de verre rempli de ciment. Nous sommes tous sidérés par ce travail et par sa modernité.
Puis, notre guide nous invite à nous rendre dans le chœur réalisé par Robert Barriot. Nous admirons le retable composé de sept panneaux de cuivre rouge repoussé au marteau et émaillé de plus de trois mètres de hauteur représentant les sept églises de l’Apocalypse. L’autel est signé du maitre verrier Auguste Labouret qui utilisera aussi une nouvelle technique : celle de dalles de verre épaisses éclatées au marteau ce qui permet de multiplier les éclats de la matière. Le résultat est magnifique!
L’autel est orné de deux paons en référence au symbole d’immortalité dans les catacombes romaines, au milieu de pampres gris pâle (tiges de vigne) et des entrelacs dorés.
Nous nous quittons avec quelque regret tant la visite fut passionnante et pour une partie d’entre nous, allons déjeuner ensemble dans un restaurant du quartier.