Franc succès pour ce goûter, nous sommes 38 installés dans le salon Franklin afin d’écouter la conférence de Vincent Delavaux et savourer les pâtisseries et des boissons chaudes dont un chocolat absolument délicieux .
Sous le règne de Louis XIV, un ambassadeur ou un émissaire de la Sublime Porte, Soliman Aga introduit l’usage du café en France et un Arménien, Pascal crée un débit de boissons dans un stand de la foire Saint Germain, actuellement le marché St Germain.
C’est en 1686 que le sicilien Francesco Procopio dei Coltelli qui avait travaillé chez Pascal ouvre le premier endroit de Paris où l’on peut déguster un café assis. On peut également y déguster glaces et sorbets. Il achète plusieurs maisons d’où la configuration particulière du Procope avec ses deux accès : l’un 13 rue de l’Ancienne Comédie et l’autre Cour du Commerce Saint André.
La troupe des comédiens du Roi s’installe en face du café, le Procope devient aussitôt un lieu à la mode et de rendez-vous de la critique littéraire et théâtrale. Des dramaturges, des écrivains, des philosophes comme La Fontaine, Marivaux, Crébillon entre autres sont des habitués. Francesco Procopio obtient même la gestion de la buvette du théâtre.
Notre conférencier retrace ensuite l’introduction du chocolat et du thé en France.
An 600, les Mayas connaissent déjà la fève de cacao qui sert aussi de monnaie d’échange. Christophe Colomb est le premier à découvrir le chocolat, mais il jettera, à la mer, les fèves reçues en cadeau. En 1528, Herman Cortez est le premier à en rapporter en Europe à son roi, Charles Quint. C’est en 1590, date du mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche, fille du roi d’Espagne que la France découvre le chocolat. La marquise de Sévigné évoque cette boisson exotique dans plusieurs lettres à sa fille : « il vous flatte pour un temps, et puis il vous allume tout d’un coup une fièvre continue ». L’église s’interroge à propos de cette boisson à savoir s’il s’agit d’un aliment ou d’une source de plaisir, est-ce qu’elle rompt le jeune ? Pie V décrètera que le chocolat peut être consommé pendant le Carême.
Louis XIV n’apprécie guère le thé, il lui préfère la sauge d’autant que la confrérie des herboristes est très puissante. Le thé apparait semble-t-il vers 1636 à Paris et gagne en popularité sous Mazarin qui le prend pour se prémunir de la goutte. Madame de Sévigné affirme en prendre tous les matins comme tonique et critique Madame de La Sablière qui met du lait dans son thé. Seule la cour peut accéder à ce breuvage. De plus, la première compagnie à importer le thé en Europe est néerlandaise et les relations entre les Pays Bas et la France sont mauvaises, cela ne favorisera pas sa diffusion.
Puis Vincent Delaveau revient au thème du Procope. Il précise qu’au XVIIIe siècle, le café devient un lieu de sociabilité, on ne compte pas moins de six à sept cents cafés à Paris. Ce sont de véritables centres de diffusion de nouvelles et d’actualités, on y tient aussi des discussions intellectuelles et c’est un catalyseur du Siècle des Lumières.
Montesquieu écrit, à propos de ce breuvage, dans la 36e lettres persanes : « le café est très en usage à Paris : il y a un grand nombre de maisons publiques où on le distribue. Dans quelques-unes de ces maisons, on dit des nouvelles, dans d’autres, on joue aux échecs. Il y en a une où l’on apprête le café de telle manière qu’il donne de l’esprit à ceux qui en prennent : au moins, de tous ceux qui en sortent, il n’y a personne qui ne croie qu’il en a quatre fois plus que lorsqu’il y est entré ».
Le Procope accueille non seulement les artistes de la Comédie Française, mais également des intellectuels, la légende prétend que l’idée de L’Encyclopédie y est née d’une conversation entre d’Alembert et Diderot qui y écrit certains articles, tout comme Benjamin Franklin qui y aurait rédigé un chapitre de la Constitution des Etats-Unis et enfin que Napoléon y aurait laissé son bicorne pour régler sa consommation.
C’est également au Procope que les idées de la Révolution Française bouillonnent. Danton, Marat, Guillotin habitent Cour du Commerce St André. Notre conférencier précise que Joseph Ignace Guillotin n’est pas l’inventeur de la guillotine mais plutôt le promoteur « égalitaire », riches et pauvres devant être traités de la même façon face à la sanction. C’est en fait le Docteur Antoine Louis, membre de l’Académie de Médecine qui a proposé la mise au poing d’une machine à lame oblique à l’Assemblée Législative mais la première guillotine a été, semble-t-il, conçue par Tobias Schmidt, facteur de clavecins. Le club des Cordeliers avec Danton et Marat s’y réunissent. Les Jacobins et Robespierre y ont également leurs habitudes. Le port du bonnet phrygien y est porté pour la première fois. Pour clore la période révolutionnaire, Vincent Delaveau nous raconte la mort de Marat, assassiné par Charlotte Corday issue de la petite noblesse normande, rue de l’Ecole de Médecine, le 13 juillet 1793. Il nous précise que sa baignoire est exposée au Musée Grévin et nous décrit le tableau de David retraçant sa mort.
Au XIXe siècle, le Procope redevient un café littéraire, il rallie les romantiques en la personne de George Sand, de Chopin, d’Alfred Musset, de Théophile Gautier et de Verlaine. Les comédiens y reviennent aussi : Mademoiselle George notamment.
Au XXe siècle, le Procope subit différentes transformations en Bouillon Chartier ou en un restaurant sans lien avec le café d’origine. En 1987, le groupe des Frères Blanc rachète le lieu et lui donne un décor révolutionnaire.
Pour terminer l’après-midi, notre conférencier nous propose une visite guidée des différents salons dont celui de Marat, reconstitution du bureau d’où il dirigeait son journal « l’Ami du Peuple ». Sur les étagères sont entreposés de nombreux caractères d’imprimerie utilisés par les typographes. Dans l’encadrement d’une fenêtre, on peut voir la cloche suspendue que, toujours selon la légende, Marat agitait pour informer les gens de la Presse, installés en face du Procope qu’il avait terminé son article. Un dernier regard sur les photos des célébrités accrochées aux murs du restaurant et nous quittons ce lieu fort intéressant.