Le dimanche 20 juin 2021, nous sommes neuf randonneuses à quitter la région parisienne et ses contraintes citadines par la gare de Bercy, évitant ainsi l’agitation habituelle de la gare de Lyon. Ce qui nous attend mais un TER « Intercités » un peu « vieillot » mis en service pour remplacer le titulaire ayant subi la veille les assauts de l’orage… Nous voilà installées pour rallier Clermont Ferrand… où une correspondance avec un car TER SNCF est prévue. Encore 2 heures pour arriver à la gare d’Aumont Aubrac où nous attend le taxi. Le chauffeur a la gentillesse de nous déposer à l’hôtel pour y laisser nos bagages et de nous descendre au restaurant où l’on nous attend pour l’apéritif de bienvenue puis le repas agrémenté du traditionnel aligot !
L’hôtel et le restaurant
Le cadre est posé : la distance entre le restaurant et l’hôtel est de 700 m, la salle du restaurant, en rez de chaussée, est réservée aux hôtes randonneurs de l’hôtel « La randonnée » ; c’est si bruyant que Christine, notre accompagnatrice, censée nous présenter le programme de la semaine ne le fera que lundi matin lors du rendez vous donné à 9 heures devant le restaurant.
Le trajet en car nous a déjà donné un aperçu du paysage pastoral dans lequel nous allons cheminer cette semaine.
L’arrivée au village de Nasbinals, niché au creux de la montagne à 1180 m d’altitude, nous saisit par la beauté de ses maisons en pierres et leurs toits de lauzes arrondies, son église romane avec son clocher rond et la présence de nombreux randonneurs !
En effet, nous sommes sur l’itinéraire du chemin de Saint Jacques de Compostelle, le tronçon Le Puy en Velay-Conques, une des plus belles parties de ce chemin. Ce qui fait de Nasbinals un important carrefour de randonneurs, qui ne sont pas tous des pèlerins… Mais l’ambiance est là et bien éloignée de notre environnement « coronavirus », les précautions sont de rigueur mais on respire… Quel plaisir !
Lundi matin, le rendez-vous est respecté et nous faisons enfin connaissance avec Christine qui se présente avec son petit accent bavarois, son pas bien déterminé et son cri de ralliement aux accents tyroliens qui nous sera très utile.
La randonnée commence par la visite de Nasbinals.
1- L’église sainte Marie de Nasbinals, en lien avec la Dômerie d’Aubrac, était une des abbayes les plus importantes de la région quant à l’accueil des pèlerins du chemin de saint Jacques de Compostelle.
1 2
3
De pur style roman elle fut construite aux 11ème et 12ème siècle. La polychromie des matériaux, composée de granit, de basalte et de roche volcanique est remarquable.
2- La maison Carrier, notaire royaliste (1755 1793) qui a monté une armée de 500 résistants pour s’opposer au mouvement révolutionnaire ; elle est devenue l ’Office de Tourisme.
3- Un buste de bronze de Pierre Brioude, dit Pierrounet (1832-1907), rebouteux réputé. Il a fait ses preuves sur les animaux puis sur les gens, défiant ainsi les éminents médecins et chirurgiens de l’époque. La stèle comporte son buste et des béquilles faisant écho à sa spécialité.
Avant de commencer le récit de nos randonnées un coup d’œil sur l’incontournable météo, ce n’est pas très brillant! Pas très optimiste pour les jours suivants, mardi et mercredi… et pourtant certains prendront des coups de soleil. Christine évalue les conséquences selon les itinéraires envisagés… Mais cela n’atteint pas le moral du groupe surtout au regard des prévisions sur l’ensemble du pays. Le programme de la semaine prévoit de découvrir les différentes facettes du plateau de l’Aubrac, pays de transhumance l’été : le chemin des pèlerins, la vallée du Bès, le signal de Malhebiau, Saint Urcize, Aubrac, la route des lacs, Laguiole, les particularités naturelles : tourbières, drailles (chemins de transhumance tracés par les troupeaux), estives et burons.
Drailles et buron
Nous voici donc prêtes pour la découverte de la cascade du Déroc : le chemin qui y mène est déjà fréquenté par les pèlerins de st Jacques, il y a du monde, le ciel est couvert et voici les premières rencontres avec les vaches du pays. La composition du troupeau est classique : vaches, veaux, taureau. Nous les reconnaissons notamment à la disposition des cornes, la couleur noire du mufle et du tour des yeux, de grandes coquettes ces vaches de l’Aubrac ! La leçon est bien apprise.
Nous découvrons la cascade par des chemins escarpés. Nous la voyons, superbe, sur toutes ces faces :
dessus, dessous, devant, de côté, derrière et même dedans puisque le chemin passe dans une sorte de grotte,
au plafond composé d’orgues basaltiques magnifiques, mais parcours périlleux….
Ouf ! Nous nous en sortons… et nous dirigeons vers le village de Montgros, sur le
chemin de St Jacques. Nous passons un gué qui met à l’épreuve notre capacité d’équilibre.
Mais Christine veille, rassure, les bâtons ne sont plus des accessoires !! Il y en aura d’autres, de ces
passages, sur l’ensemble du séjour !!! La première pluie d’orage fait sortir les capes de pluie mais
elle ne dure pas. Le pique nique est l e bienvenu , nous l’apprécions assises sur des rochers. Cette
plongée sur le plateau de l’Aubrac nous fait embrasser un paysage verdoyant aux reliefs nuancés.
Dans ces espaces herbeux la flore est abondante : pensées bi ou tricolores, silènes enflées,
orchidées diverses, c’est un régal pour les yeux. Tout au long de la semaine nous découvrirons
également le jaune intense de l’arnica et des doronics, les centaurées bleues, etc. A travers les prés
il est difficile de poser le pied sans écraser les fleurs tellement elles sont abondantes, il y aura
même le dernier jour une cueillette de champignons dont on se régalera l e soir.
Arracheur de gentianes jaunes et cueillette de champignons
Au repas du soir, Christine nous annonce que le groupe va s’agrandir en raison de la défection d’un
guide. Nous accueillons donc deux messieurs, tous deux prénommés Benoît et l’ épouse du plus grand (2,01m), Danièle. Le couple ne sera avec nous que les matinées, les après midi étant réservés à la thalasso, ce qui aura une incidence sur les parcours suivants puisqu’un taxi viendra les chercher où nous déjeunerons pour les emmener à leur cure…
Le lendemain nous sommes donc 12 plus 1 à partir pour Aubrac par le chemin de St Jacques au départ de Nasbinals, il y a beaucoup de monde et même une classe de collégiens bien décontractés !
Traversée très agréable d’une forêt de hêtres puis des estives et montée vers le col de l’Aubrac à 1340m.
La descente nous fait découvrir l’hôtel Royal abandonné. Majestueux il est en cours de restauration après différentes utilisations.
La Dômerie La tour des anglais
Au village d’Aubrac nous ne sommes pas les seuls à pique niquer assis sur des murets, nous visitons l’église, la tour des Anglais et le jardin botanique très pédagogique qui nous permet de réviser les noms des fleurs rencontrées depuis le début de notre périple, un espace marécageux abrite une grenouille avec son chant et son regard vert d’eau. La journée est un peu pluvieuse et le retour plein de surprises : traversées des estives, des marécages, des barrières ouvertes et refermées avec soin par respect des lieux et pour le confort des bovins… Nous franchissons des barbelés dans tous les sens…
Personne n’y a laissé son fond de culotte ! Nous avons fait, ce jour-là 22km…. sans compter les dénivelés.
L’étape suivante est le village de Saint Urcize par Recoules d’Aubrac… dénivelés 400m. Le temps est beau mais quelques nuages menacent. Là, Christine trace son chemin à travers les estives, mais, passés les barbelés nous sommes très près des animaux et l’atmosphère devient soudain très silencieuse !!!! Pique nique et visite d’Urcize, village composé de maisons très anciennes et d’un curieux édifice servant à soulever les bœufs pour pouvoir les ferrer.
L’église des XI è et XII è siècles est dominée par un clocher à peigne, la plus petite des 4 cloches date de 1583. A l’intérieur de l’église on peut voir le calice utilisé par le confesseur de Louis XVI, le matin de son exécution.
Sur le sentier du retour, dans la plus ancienne de toutes, abandonnée depuis longtemps, on distingue encore le jambon suspendu aux poutres !! Pas ragoûtant ! Nous n’échappons pas à la pluie sur le chemin du retour, mais cela ne dure pas très longtemps et nous sommes séduites par les petits genêts ailés dont le parfum envahit l’air.
Le rythme de la journée suivante est adapté à la météo annoncée « mauvaise » donc rando le matin avec conduite par le car en direction du village de Marchastel et la vallée du Bès, rivière principale du plateau de l’Aubrac.
Il a plu toute la nuit, les chemins sont donc gorgés d’eau, les herbes hautes trempées communiquent à nos chaussures l’humidité du sol ! Nous observons une grande falaise au dessus de nous, dite « des orgues de basalte » phénomène géologique dû à l’activité volcanique. Et, surprise totale, nous voyons un envol de 2 vautours fauves juste au dessus de nos têtes.
L’envergure de leurs ailes est impressionnante ; ils planent et vont se poser sur la colline e n face pour en rejoindre d’autres. Là ils déploient leurs ailes pour les faire sécher, seul moyen de pouvoir de nouveau voler. Un peu plus loin, au sommet d’une colline nous en compterons une trentaine! Merci à la pluie qui nous a permis cette belle rencontre en pleine nature.
Météo oblige, l’après midi sera « touristique » avec la visite de la bourgade de Laguiole, (prononcer Layole) sa coutellerie où nous assistons à une belle démonstration de la création d’un « vrai » couteau Laguiole, sa fromagerie, sa grand place avec le taureau emblème de la région et ses maisons anciennes. Tout cela, bien entendu, sous la pluie…
Ce qui n’empêche pas Christine de nous faire grimper encore jusqu’au point de vue culminant la vallée sur le parvis de l’église, dans laquelle nous pouvons voir une œuvre de Sahuguet, placée là depuis 1945.
Vendredi, la pluie n’est plus au programme pour la dernière journée qui s’annonce ensoleillée et la randonnée est prévue en 8 : deux boucles à partir de Nasbinals avec deux directions différentes : La promenade des lacs et Notre Dame de la Sentinelle. La promenade des lacs nous permet de boucler le programme suivi scrupuleusement depuis le début du séjour. Sans trop s’approcher car le sol est très marécageux, nous distinguons le lac des Salhiens, le lac de st Andéol, le lac de Souveyrols et, très loin, le lac de Born ; les abords sont des tourbières, signe d’une bonne qualité de l’eau.
« Giscard »
Dans les bois environnants, nous atteignons un « Giscard » marquant une des limites du parc Vulcania. Seul le point culminant, le Signal de Malhebiau, 1469 m, a été écarté compte tenu de nos difficultés face aux dénivelés. Il y en a eu plusieurs au cours du séjour que nous avons franchis gaillardement mais notre souffle a des limites.
Le mont Notre Dame de la Sentinelle culmine à 1296m et offre un point de vue magnifique sur toute la région avec une table d’orientation.
C’est le seul endroit de la rando où nous avons pu voir un tel panorama. La statue de bronze sur un piédestal en granit fut dressée en 1884. La descente à travers une estive nous offre une grande quantité de champignons que chacun s’amuse à ramasser. Le clou du spectacle, c’est une double haie de gentianes jaunes, entre des murs en pierre sèche, qui nous guide vers le sentier du retour.
Cette semaine a créé un dépaysement total : les randos en pleine immersion dans la nature, l’hébergement très confortable, les soirées « Scrabble » déchaînées autour d’Hélène, la grande joueuse, l’accompagnement de Christine toujours attentive. Même si nous sommes fatiguées nous sommes prêtes à repartir.
Texte et Photos : Cécile & Christiane