Vingt Amicafiens se retrouvent à 9h30 devant le musée Jacquemart-André avant son ouverture. Nous entrons à cette heure matinale ce qui se révèle être un vrai privilège car nous serons seuls dans les premières salles pour admirer l’exceptionnelle exposition d’Alessandro Filipepi dit Botticelli (1445-1510).
Sandro Botticelli est sans doute l’un des peintres les plus connus de la Renaissance Italienne malgré la part de mystère qui entoure toujours la vie et l’activité de son atelier.
Sans relâche, il a alterné créations uniques et productions en série achevées par ses nombreux assistants.
L’exposition dévoile l’importance de cette pratique typique de la Renaissance et présente les œuvres de Sandro Botticelli de façon chronologique dans huit salles différentes.
1- De l’atelier de Filippo Lippi à l’indépendance :
Botticelli s’est certainement formé d’abord chez un orfèvre auprès duquel il a appris le dessin avant d’intégrer l’atelier de Filippo Lippi (1406-1469) Et c’est en peignant des sujets religieux qu’il débuta sa carrière.
Dans cette salle, nous avons pu admirer deux « Vierges à l’enfant », œuvres du peintre dont la finesse d’exécution du drapé des tissus laisse deviner que Botticelli a été formé par Andréa Del Verrocchio, orfèvre avant d’être peintre.
2 – Peintre d’histoires :
Après la mort de Filippo Lippi, Botticelli recueille son fils Filippino. Celui-ci prend rapidement une place importante dans son atelier.
Ils réalisèrent ensemble des panneaux pour coffres de mariages dits « de cassone » illustrant l’histoire d’Esther ainsi que le « Jugement de Pâris » où certains passages de qualité révèlent la participation directe du maître.
3 – L’atelier polyvalent
A partir de 1470, Botticelli déploie également son talent dans le domaine des arts appliqués.
S’il n’a pas réalisé lui-même les broderies, tapisseries et autres marqueteries, il en a supervisé l’exécution.
On a pu voir une chasuble richement ornée de fils d’or ainsi qu’une reproduction d’une porte marquetée du « Palazzo ducale d’Urbino ».
Botticelli était aussi un génie du réemploi, pratique courante à l’époque.
4 – Botticelli et les Médicis
L’activité de portraitiste de Botticelli nous est connue à travers une petite dizaine de tableaux.
Le plus célèbre est sans doute le portrait de Julien de Médicis commémorant l’assassinat du jeune homme en 1478.
5 – Vénus, le mythe humaniste
Des deux Vénus exposées au musée, celle de Berlin s’impose comme le prototype de la série des Vénus dites « pudiques », celle de Turin apprêtée d’un voile soulignant sa nudité a sans doute été réalisée à partir d’un même carton avec la collaboration de l’atelier.
Cette production s’accompagne au cours des années 1480-1490 de portraits « allégoriques », en réalité des figures féminines idéalisées comme en témoigne le magnifique portrait dit de la « Belle Simonetta » Vespucci, muse du peintre.
6 – Botticelli illustrateur :
La contribution de Botticelli à l’illustration a été réalisée à travers l’important cycle de dessins consacrés à la Divine Comédie de Dante. Le trait sûr, élégant du peintre ne pouvait pas mieux illustrer les visions d’épouvante du poète.
7- La peinture religieuse du tondo au retable.
Les peintures de format rond appelées « tondis » sont particulièrement en vogue à Florence au cours du 15e siècle. Elles incluent les personnages dans un triangle créant ainsi une impression d’intimité.
La « Vierge du Magnificat » et la « Vierge et Saint Jean Baptiste adorant l’enfant » permettent de qualifier Botticelli de « designer » puisque c’est l’invention toujours renouvelée qui est au cœur de l’œuvre.
8- La dernière manière : une esthétique « savonarolienne » ?
Vers les années 1480, le moine Savonarole par ses sermons apocalyptiques eut une violente influence sur la population florentine.
A la fin du XVe siècle, l‘œuvre de Botticelli traduit un réel questionnement esthétique, les formes autrefois harmonieuses et élancées se tassent, les visages deviennent dramatiques comme dans « Judith tenant la tête d Holopherne ».
Les dernières années sont marquées par une emprise plus grande de l’atelier sur l’activité du maître âgé et affaibli. Tombé dans l’oubli, Botticelli est redécouvert et apprécié au XXe siècle.
Nous sommes ressortis ravis de cette exposition riche d’importants tableaux issus de nombreux musées étrangers (Galerie des Offices Florence, musée du Vatican, National Gallery de Londres, Berlin…), collections particulières et complétée des explications intéressantes d’Odile Déchelotte.
Texte : Denise – Photos : Christiane & Jocelyne