Contrairement aux habitudes, aucun itinéraire n’est indiqué dans le programme de la promenade de décembre. Le lieu de rendez vous est précisé au dernier moment et nous nous retrouvons vingt et une promeneuses Place Maubert. C’est jour de marché et ça déménage !
Replongeons-nous quelques années en arrière, au 19ème siècle, ici, nous nous serions retrouvées sur un autre marché : la Bourse aux mégots. Les «cueilleurs d’orphelins » ou « ramasseurs », les clochards souvent, y vendaient le tabac récupéré dans les rues. Il y avait un cours quasi officiel qui variait en fonction de la qualité et de la provenance : culot de pipes, bouts de cigares ou petits bouts de cigarettes. Et lorsque vendeur et acheteur n’arrivaient pas à conclure, l’un des deux s’écriait : « arrête de mégoter » !
Quittons cette place mal fréquentée à l’époque pour nous diriger vers la rue Maître Albert philosophe et
théologien rappelant que nous sommes dans le quartier latin.
Nous admirons les vieilles maisons datant du XVIIIème siècle qui jalonnent la rue et un hôtel particulier du
17ème siècle au numéro 7.
Nous débouchons sur la rue des « Grands Degrez » devenue par la suite « rue des Grands Degrés » qui doit son nom à l’escalier qui menait autrefois à la Bièvre .
Nous admirons les mascarons ornant la façade du numéro 6 dont, rappelons le, la fonction première était
d’éloigner les mauvais esprits afin qu’ils ne pénètrent pas dans les demeures.
On peut voir également sur les façades des maisons aux numéros 1-3 des décors un peu effacés, souvenir de l’activité qui se tenait en ces lieux : Décoration, Enseignes, Calicots, Tonnelles…
Au moment de nous engouffrer dans l’impasse Maubert, ne sentons nous pas une odeur qui plane ?
Non, les alambics ne dégagent plus de senteurs suspectes car il faut dire qu’au numéro 4, de l’impasse d’Amboise, ancien nom de cette ruelle, étaient concoctés les fameux poisons bien nommés « poudre de succession »… qui nous plongent dans l’une des plus vastes affaires criminelles de tous les temps : l’affaire des Poisons dont La Voisin (Catherine Monvoisin) véritable « tueuse en série » était au cœur. L’arrestation de la marquise de Brinvilliers, initiée à cet art par son amant et exécutée en 1676 pour l’assassinat de ses proches, sera le déclencheur de cette sombre affaire, trois ans plus tard.
Des centaines de personnes dont les plus grands noms de la cour de France, notamment la favorite du roi Louis XIV, Madame de Montespan y ont été mêlés.
Tout un réseau féminin qui réglait ses affaires à l’arsenic !
La Marquise de Brinvilliers
Quittons cette impasse pour la rue des Anglais où au numéro 4 se trouvait le cabaret du « Père Lunette » qui faisait partie de la Tournée des Grands Ducs où Alexis et Wladimir de Russie venaient s’encanailler, tout comme le jeune Alphonse XIII d’Espagne et surtout le prince de Galles, futur Edouard VII d’Angleterre.
Nous traversons le Boulevard Saint Germain et la place Maubert en direction de la rue de la Montagne Sainte Geneviève. Nous passons devant le musée de la Préfecture de Police qui retrace l’histoire de la police parisienne du XVIIème siècle à nos jours.
Au N° 34, nous pénétrons dans la cour de ce qui fut le «Collège des 33 ». L’endroit est calme et très agréable, on se croirait loin de Paris.
Créé par le père Bernard pour 5 élèves d’abord, puis 12 et enfin 33, Anne d’Autriche a ensuite décidé d’accorder 33 livres de pain par jour à ces étudiants… d’où le nom du collège !
Nous longeons l’ancienne Ecole polytechnique fondée en 1794. En 1805, Napoléon Bonaparte, donne à l’école un statut militaire et l’installe sur la montagne Sainte Geneviève à Paris. L’école porte le surnom de « l’X », depuis le milieu du XIXe siècle, en raison de la place des mathématiques dans la formation des polytechniciens. En 1976, l’école déménage à Palaiseau sur les hauts plateaux d’Orsay. Les bâtiments sont désormais occupés par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
En face de l’ancienne Ecole, sur la placette «Jacqueline de Romilly » de l’Académie Française, au croisement de la rue de la Montagne Sainte Geneviève et de la rue Descartes, un mur semi circulaire forme la fontaine Sainte Geneviève. Trois mascarons en bronze à têtes de lions déversent l’eau.
Dirigeons-nous maintenant vers l’Eglise Saint Etienne du Mont, lieu de paix pouvons-nous penser ! Mais il n’en fut pas toujours ainsi ! Des traces de sang ne subsistent-elles pas ?… Nous entrons dans l’édifice. Une dalle funéraire au sol, tout près de l’entrée de la nef, rappelle le drame.
Nous sommes le 3 janvier 1857 à 17 heures, L’église est pleine à craquer. Alors que l’archevêque de Paris bénit les fidèles, un homme le frappe mortellement d’un violent coup de poignard.
Qui est l’assassin ? Un curé tout à fait banal, à la base… avant de devenir « interdit». Il s’est fait démettre de ses fonctions pour son désaccord avec le pape sur le dogme de l’immaculée conception. Aussi, veut-il frapper un grand coup… C’est le cas de le dire !!
A la sortie de l’église, nous apercevons les vestiges de l’ancienne abbaye Sainte-Geneviève, plusieurs bâtiments dont la tour ont été conservés pour constituer l’actuel lycée Henri-IV.
Nous bifurquons ensuite dans la rue Mouffetard familièrement nommée « la Mouffe ». Très pittoresque, réputée pour son animation et ses petits commerces en tous genres, c’est l’un des axes du Quartier Quartier latin les plus fréquentés.
Nous jetons un coup d’œil en passant à la fontaine du Pot de Fer, à l’angle de la rue du même nom, alimentée à l’origine en eau potable, en 1624, par l’aqueduc d’Arcueil.
Au numéro 61 se dresse l’imposante caserne Monge de la Garde républicaine, à l’emplacement du couvent des religieuses hospitalières fermé à la Révolution et détruit dans les années 1820 pour être remplacé par la caserne Mouffetard.
Au numéro 69, une enseigne : « Le Vieux Chêne » incrusté sur la façade de l’immeuble rappelle l’endroit d’un ancien bal datant de 1864 et réputé le plus ancien bar de Paris.
Au numéro 122, une enseigne sculptée en bois colorée représente deux personnages autour d’un puits et date du 17ème siècle. Il s’agissait d’une boutique dénommée « Au Puits Sans Vin » désormais rebaptisée «A la Bonne Source ». Au numéro 134, sur la façade sont peints des animaux et des végétaux. Réalisée vers 1930, cette fresque a été commandée par un boucher installé au rez-de-chaussée.
Mais savez-vous que… la rue Mouffetard a recélé un trésor ?
Le 24 mai 1938, des terrassiers travaillent à la démolition d’un immeuble aux numéros 51 et 53, et mettent au jour une cachette aménagée dans un mur contenant de nombreux rouleaux de monnaies enveloppés dans des morceaux de toiles et accompagnés d’un testament rédigé par un certain Louis Nivelle. Le magot est destiné à sa fille. Malheureusement, il décède subitement avant de l’avoir prévenue. Alors que, dans un premier temps un ouvrier avait ramené chez lui quelques piécettes qu’il croyait en cuivre et sans valeur et les avait données à son fils pour jouer aux billes, un passant se rend compte de leur valeur et en informe l’ouvrier. La découverte du trésor a, par la suite, été légalement déclarée et ce dernier réparti entre les terrassiers découvreurs, la ville de Paris propriétaire actuel de l’immeuble et les héritiers attestés, soit 82 personnes retrouvées.
Au bout de la rue Mouffetard se trouve l’Eglise Saint-Médard qui date du 15ème siècle.
À l’époque mérovingienne, des tombes chrétiennes sont déjà réunies à quelques mètres des murs de l’église actuelle. Dès le IXème siècle, après les invasions normandes, une chapelle dédiée à saint Médard aurait été construite. Lors de l’inhumation en 1727, dans le petit cimetière du chevet de l’église, du diacre François de Pâris, un miracle se produisit. Dès lors, « convulsionnaires» se réunirent sur sa tombe pour y rechercher des transes mystiques, des guérisons et toutes sortes de miracles. Lassé de ces manifestations indécentes, le Roi décide en 1732 d’en faire interdire l’accès. Un inconnu malicieux pose alors une affichette sur la palissade fermant le cimetière, avec ces mots :
« De par le Roi, défense à Dieu de faire miracle en ce lieu »
Et bien sûr, on ne peut s’empêcher de rappeler le dicton :« S’il pleut à la Saint-Médard, il pleut quarante jours plus tard, à moins que Saint-Barnabé (11 juin) ne lui coupe l’herbe sous le pied ».
Nous achevons notre après-midi dans une brasserie où nous dégustons pour les unes, un vin chaud, pour d’autres une bière de Noël, tout en admirant les décorations lumineuses du quartier.
Texte : Geneviève et Christiane ; Photos : Jeannette et Christiane.