Visite de l’hôtel Cail et de l’église Saint Augustin – Vendredi 18 février 2022

Malchance pour certaines d’entre nous qui n’ont pu se déplacer à cause d’une grève de la RATP paralysant Paris, en revanche, jour de chance pour les « éliminées » qui ont profité des désistements. Autre petit incident, après avoir averti les 20 participants que le rendez-vous devait avoir lieu devant l’église Saint Augustin et non devant la mairie, Vincent Delaveau, notre conférencier, en arrivant, s’excuse de cette confusion et nous entraine vers l’hôtel Cail.

Après le passage au contrôle des sacs, nous entrons dans l’hôtel Cail, siège de la Mairie du 8e arrondissement.

Notre conférencier nous fait une brève présentation dans la cour d’honneur de l’édifice composé d’un bâtiment principal dédié aux réceptions et de deux ailes d’habitation.

Une majestueuse fontaine, œuvre de Pierre-Emile Charrier s’y trouve et représente « le génie de la mer » avec une jeune fille et deux enfants.
Un mascaron est situé au milieu des allégories dominant une vasque sur pilastre ornée de petits mascarons à tête de lion.
Le buste de Jean-François Cail surmonte la fontaine dans une niche.

  

Le bâtiment se compose d’un corps central encadré de courtes ailes. Son langage décoratif est classique : grandes baies surmontées de frontons courbes, pilastres composites. L’hôtel est accessible par une porte cochère : un somptueux vestibule à colonnes cannelées et à voûte d’ogives conduit à la demeure. Vincent Delaveau nous indique que pour mieux comprendre la symbolique des décors connaitre la vie de Jean-François Cail est nécessaire. Toutefois, il fait durer le suspense et nous promet les informations pour plus tard.

C’est à Albert Labouret, architecte de talent, qu’est confiée la conception de l’hôtel Cail. Dressé entre le boulevard Malesherbes, la rue de Lisbonne – où se situe actuellement l’accès aux services de la mairie – et la rue du Général Foy, l’hôtel Cail fut construit entre 1865 et 1867. Composé de nombreuses salles, de deux ailes, d’une terrasse devenue aujourd’hui salle d’exposition, d’une cour intérieure et d’une voûte cochère reposant sur une série de colonnes corinthiennes percée sous l’aile droite, l’édifice présente tous les signes particuliers de l’architecture du Second Empire.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

La porte de la voute cochère étant fermée, nous entrons dans la mairie afin de remonter l’escalier d’honneur.

Cet escalier somptueux occupe tout le corps central du bâtiment, côté cour. Éclairé par un lustre magistral, l’escalier est encadré par de larges tapisseries représentant « la Musique » et « les Arts Libéraux ». La rampe n’est autre que l’œuvre des ouvriers ferronniers des ateliers Cail. Façonnée en bronze et en acier, elle laisse apparaître les initiales de Jean-François Cail ainsi que des branches de gui et les ailes et le caducée de Mercure.

La décoration d’intérieur fut, elle, confiée au sculpteur de renom Pierre-Edouard Charnier, qui travailla au Louvre sous Napoléon III. Cet artiste inspiré sut donner à l’hôtel Cail toute son originalité en s’appuyant sur une symbolique propre aux activités de J-F. Cail.

Les thèmes de la mer – le Génie de la Navigation représenté sous l’arcade Renaissance dominée par le buste de Cail – de l’Agriculture et du Commerce sont récurrents dans la décoration d’intérieur de l’hôtel.

Les peintures illustrant les plafonds ou dessus-de-porte des différentes salles sont l’œuvre du peintre Pierre-Victor Galland.

L’ancien grand salon, aujourd’hui salle des mariages, est la plus somptueuse pièce de l’hôtel Cail.

Le plafond peint par Galland représente l’Europe, la science et l’agriculture. Les dessus de portes sont ornés des vertus chères à J.F. Cail : exactitude, prévoyance, persévérance…. Il y exposait aussi son livret ouvrier dont il était si fier.

                                                

Installés confortablement sur les bancs de cette salle des mariages, nous écoutons notre conférencier évoquer enfin l’histoire de Jean-François Cail.

Ce dernier est né le 8 février 1804 à Chef‐Boutonne (Deux-Sèvres) dans un milieu modeste, son père est forgeron. Très tôt, son père décèle son intelligence et décide de le scolariser mais par manque de moyen, Jean-François doit quitter l’école à 9 ans.  Dès l’âge de 12 ans, il invente une râpe en tôle pour réduire la pomme de terre en farine pour en faire du pain. Il peut ainsi rembourser les dettes de son père. Il fait un apprentissage de chaudronnier, son diplôme en poche, il démarre son tour de France. Il s’arrête à Paris et travaille au gazomètre de la Tour du Temple. Il rejoint ensuite son frère qui travaille chez Derosne. Il  mettra au point un matériel permettant de filtrer et de sécher le jus de betteraves pour obtenir du sucre. Jean‐François Cail passe rapidement du statut d’ouvrier à celui de chef d’atelier puis de directeur associé au capital de la société. Durant cette période, il continue d’habiter un logement modeste afin d’économiser pour payer son remplacement militaire en cas de conscription. En 1844, son patron Monsieur Derosne meurt, il hérite de la société. Ce sont les débuts du chemin de fer, il achète à Crampton, industriel anglais, un brevet et se lance dans la construction de locomotives puis d’ouvrages d’art (pont de l’Europe, viaducs ) nécessaires au trafic ferroviaire.

Jean‐François Cail, au faîte de sa carrière industrielle envisage de donner à sa famille un logement en adéquation avec son nouveau statut social. Il achète un terrain situé dans la «petite Pologne » qui vient d’être réhabilitée par les frères Pereire. Ce quartier va devenir le quartier des industriels.

Il n’oublie pas ses ouvriers, et comme nombre de patrons  de l’époque tels Godin ou Meunier, leur fait construire à La Chapelle des logements, des équipements sociaux (école, garderie) et culturels (théâtre, l’actuel Bouffes du Nord).

Il n’oublie pas non plus son activité agricole et développe la mécanisation de la production de sucre de canne aux Antilles. Il militera pour l’abolition de l’esclavage.

Dans le couloir menant à la salle à manger, nous rencontrons Madame Jeanne d’Hauteserre, Maire du 8ème, qui nous souhaite une bonne fin de visite et discute avec un petit groupe.

L’appartement de Madame Cail est actuellement le bureau de Madame la Maire. Celui de Jean-François Cail est situé à l’autre bout du grand salon, actuellement celui des adjoints.

Cette salle à manger familiale aux boiseries d’ébène incrustées de marbre est ornée d’un tableau de chasse à courre d’où le nom de salle de vènerie (Max Claude).

Devenue aujourd’hui le « Salon de la Vénerie », cette salle présente tous les éléments de richesse du décor de l’hôtel : des figures de style pompéien ornent les douze panneaux des six portes entourées d’arabesques et sculptées en léger relief ; trois scènes de chasses réalisées en 1866 par Max Claude rehaussent les boiseries noires des murs et « l’Abondance » et « l’Agriculture » habillent allégoriquement le plafond peint par Victor Galland.

Une cheminée marbrée ajoute encore à l’esprit Second Empire de la salle. Enfin, le parquet de mosaïques de bois d’essences riches et variées habille le sol d’élégance.

On peut voir, sur l’un des murs, la trace d’une balle perdue qui a été tirée lors de la semaine sanglante de 1871, le 22 mai, coïncidence troublante, Cail est mort à la même date mais loin de Paris en Charente.

Des bâtiments ont été détruits pour respecter l’alignement voulu par Haussmann, la façade principale sur le Boulevard Malesherbes est légèrement en retrait par rapport aux ailes d’habitation. La façade était ornée d’une terrasse qui a disparu. Le jardin comportait une salle de billard et une serre qui ont été aussi détruites.

Lors de la construction en 1871 de l’église Saint‐Augustin, J.F. Cail aurait offert le lanternon réalisé par ses ouvriers.

Nous quittons la mairie pour rejoindre l’église Saint Augustin en repassant devant l’hôtel Cail coté boulevard Malesherbes.

 

Le groupe redescend le boulevard Malesherbes pour poursuivre la visite de l’Eglise Saint Augustin.

 

 

LEglise a été construite entre 1860 et 1871 dans un endroit un peu étrange pour un édifice religieux. La forme triangulaire du terrain, à l’angle de l’avenue César Caire et du boulevard Malesherbes, détermina le plan si singulier du monument : de la façade très resserrée part une vaste nef sans bas-côté qui s’élargit progressivement jusqu’au transept octogonal flanqué de deux chapelles latérales et surmonté d’un dôme couronné d’une lanterne à jour.

Victor Baltard, plus connu comme l’architecte des Halles, se voit confier le projet. Il est plus habitué à rénover des églises à Paris, ce projet est donc une première pour lui.

A l’époque, le métal est vu comme le matériau de l’avenir. L’Eglise Saint-Augustin devient ainsi la première grande église construite avec une armature métallique recouverte de pierres. Baltard ne chercha d’ailleurs nullement à camoufler le métal, bien au contraire.

La structure métallique n’est pas aussi visible que celle de l’Eglise Notre-Dame-du-Travail, Vincent Delaveau nous interroge : quelles sont les autres églises à structure métallique de Paris ? Nous donnons « notre langue au chat », il s’agit de Sainte Cécile-Saint Eugène et Saint Honoré d’Eylau.

A l’intérieur, l’ossature est apparente au niveau de la voûte. Les piliers de l’église sont, quant à eux, réalisés en fonte dorée et ornés polychromes. Tous ces détails donnent à l’Eglise un mélange de style industriel et de style plus classique.

Peintures de William Bouguereau

Ciborium

Pour le style architectural, Baltard a choisi de ne pas choisir : la nef est romane, le chœur et sa coupole sont byzantins, le ciborium est antique, les porches sont néo-romans. De l’extérieur, Saint-Augustin reflète un style romano-byzantin du plus bel effet, avec son impressionnante rosace (recouverte de feuilles d’or depuis les derniers travaux de restauration) et sa belle frise.

En résumé, Saint-Augustin ne ressemble à aucune autre église parisienne. Mêlant art classique et techniques modernes du travail du métal.

C’est dans cet édifice représentatif du Second Empire que les tenants du rapatriement de la dépouille de Napoléon III en France veulent inhumer l’empereur selon son souhait. Vincent Delaveau indique qu’aucun texte ne le confirme.

C’est également dans cette église que s’est converti Charles de Foucault en 1886 en se confessant auprès de l’abbé Huvelin, prêtre de la paroisse, après une période de vie qualifiée de « dissolue ».

La visite terminée, chacun repart espérant trouver métro, bus, train !!! Un petit groupe que l’on nommera celui de la ligne 14 se retrouve dans un café proche de la Gare Saint Lazare.

Texte : Jocelyne – Photos : Christiane & Jocelyne

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