Visite du quartier Charonne ou les charmes d’un ancien village vigneron – Mardi 22 mars 2022

Par une belle journée printanière, nous nous retrouvons Porte de Bagnolet pour partir à la découverte du quartier de Charonne. Celui-ci tient son nom de l’ancien village de Charonne, rattaché à Paris en 1860 par Napoléon III.

Sur les pas de notre conférencier Vincent Delaveau, notre groupe de 24 personnes s’engage dans la rue Camille Bombois. Toutefois, cette petite voie comporte un escalier qu’il faut gravir pour accéder au lotissement pavillonnaire appelée « la Campagne à Paris ».

 

Une fois en haut, notre guide nous présente ses excuses pour ce début de visite un peu « sportive » mais nos efforts sont récompensés, ce site est plein de charme, un coin de campagne au cœur de la ville niché sur les hauteurs du nord-est parisien.

Nous déambulons dans les ruelles pavées : Irénée Blanc et Jules Siegfried, bordées de petites maisons en brique ou en meulière, parfois recouvertes de lierre, certaines dotées de jolies marquises, d’autres de jardinets laissant entrevoir les premiers bourgeons de jasmin étoilé, camélia ou prunus.

Cet ensemble de 93 pavillons d’un ou deux étages construits au début du XXe siècle sur une vaste carrière de gypse est inauguré en 1926. Il est destiné, à l’origine, à accueillir des familles aux revenus modestes et d’autres ouvriers parisiens afin de les faire accéder à la propriété.

 

Pour descendre de la butte, nous empruntons l’escalier de la rue Mondonville et poursuivons notre visite par les rues Géo Chavez et Émile Pierre Casel. A l’angle de ces deux rues, nous observons une maison de l’architecte, urbaniste et designer Pablo Katz qui intègre une approche environnementale à ses projets.

Nous effectuons un détour par la place Edith Piaf (1915-1963) où a été installée à l’occasion du 40e anniversaire du décès de la chanteuse, une sculpture en bronze signée Lisbeth Delisle qui propose une représentation expressive de la « Môme ». Vincent Delaveau évoque brièvement la vie de la chanteuse née dans le quartier.

Nous continuons vers la rue de Bagnolet et pénétrons dans le square Debrousse qui abrite le Pavillon de l’Ermitage, seul vestige du château de Bagnolet démoli au début du XIX siècle et dernière folie parisienne de style régence qui fût la propriété de la duchesse d’Orléans – fille de Louis XIV et de la marquise de Montespan -. Le pavillon doit son nom à son décor intérieur de peintures murales en « grisaille » qui représentent des ermites en méditation. Trois peintures murales d’origine demeurent dans le pavillon aujourd’hui.

Devenu la propriété du baron de Batz, le pavillon servit alors de refuge aux conjurés qui tentèrent de sauver la vie de Louis XVI, le 21 janvier 1793.

En 1887, l’Assistance Publique acquière les terrains bordant le jardin et y installe un hospice destiné aux personnes âgées démunies qui prit son essor grâce aux dons de la baronne Alquier née Debrousse et plus tard de son frère Jean Debrousse. Colette nous rappelle que Pierre Mathieu a été résident de cet établissement, devenu Ehpad, à la fin de sa vie.

Alors que nous nous regroupons à l’angle des rues des Balkans et Riblette, nous sommes saisis par le contraste entre les deux visages du 20e arrondissement d’un côté le charme de l’ancien village de Charonne avec ses maisons de ville rénovées, en face des tours de 30 étages. C’est la ZAC Saint Blaise, résultat de l’urbanisation croissante pour absorber l’exode rural à partir des années 1960-1970 et dont le développement s’est fait au détriment du village et de son patrimoine architectural. Toutefois depuis 2007, cette ZAC fait l’objet d’un renouveau urbain pour tenter de réparer les erreurs du passé.

Par la rue Vitruve, nous rejoignons la place des Grès, jadis occupée par le sinistre poteau de justice des seigneurs de Charonne, cependant c’est au nord de la commune qu’avaient lieu les exécutions par pendaisons ou décapitations à l’emplacement de l’actuelle rue de la Justice.

Aujourd’hui, au centre de la place se trouvent deux statues en grès faisant penser schématiquement à un couple.

Nous avançons un peu jusqu’au square du même nom et nous nous asseyons sous une pergola pour écouter les commentaires toujours appréciés de Vincent Delaveau. Le printemps n’est pas suffisamment avancé pour nous permettre de profiter de la floraison des glycines, chèvrefeuilles et rosiers grimpants mais nous apprécions le cadre calme et paisible de ce jardin entouré de maisonnettes à un étage.

   

En longeant la rue Saint Blaise, nous pénétrons dans le centre de l’ancien village établi autour de l’église Saint Germain de Charonne.

Le maraîchage était l’activité principale des paysans du village de Charonne destiné à alimenter Paris en produits frais et surtout la vigne qui occupait les 3/4 des terres. On pouvait ainsi voir les alignements des ceps couvrant les coteaux.

Dès le début du XIX siècle, le village de Charonne attire des commerçants, des artisans et des petites entreprises. Actuellement les maisons basses qui bordent sa rue pavée, ses boutiques colorées, ses lampadaires à l’ancienne lui concèdent un certain cachet et la petite touche de verdure en pots multicolores apporte une note de gaité et de modernité.

Afin de ne pas perturber un service funéraire, notre guide diffère la visite de l’église et nous nous dirigeons rue de Bagnolet vers l’ancienne gare de Charonne désaffectée de la petite ceinture. Entre 1995 et 2016, elle a abrité la salle de concert « La Flèche d’Or ».

Un drap, noué à la façon des évasions de prisonniers au cinéma, pend jusqu’au sol de la petite ceinture, un moyen d’accès privatif ? Car cette portion n’est pas ouverte au public !

  

Sur le trottoir d’en face se trouve le Mama Shelter, un hôtel branché de l’Est parisien décoré par Philippe Stark. L’immeuble attenant à l’hôtel abrite la médiathèque Marguerite Duras, conçu par l’architecte Roland Castro qui s’intègre dans l’environnement urbain. Il s’agit de la plus grande médiathèque de Paris avec 140 000 documents répartis sur 4 200 m2.

 

Nous nous dirigeons de nouveau vers l’église de Saint Germain de Charonne édifiée sur le lieu où, en 430, se seraient rencontrés saint Germain, évêque d’Auxerre et sainte Geneviève avant qu’elle ne devienne la patronne de Paris. A l’intérieur de l’église, un tableau de Joseph-Benoît Suvée retrace cet épisode.

Cette église a connu de nombreuses transformations et comporte des éléments d’architecture des 13e, 15e et 18e siècles. Les vitraux réalisés par Pauline Peugniez et Paul-Henri Bony datent des années cinquante. Construite sur une couche d’argile, l’église a rencontré des problèmes d’instabilité et c’est en 2016 après des années de travaux qu’elle peut être de nouveau visitée.

Cette église s’est également rendue célèbre grâce à la dernière scène du film « Les tontons flingueurs », celle du mariage.

Elle est la seule église à Paris avec l’église Saint Pierre de Montmartre à être toujours bordée de son ancien cimetière paroissial qui a échappé aux dispositions du décret du 12 juin 1804 interdisant les inhumations dans l’enceinte des villes et des bourgs.

Quelques personnalités y sont inhumées : François Bègue dit Magloire prétendant avoir été le secrétaire de Robespierre, Josette Malraux-Clotis, ancienne compagne de Malraux et leurs deux fils, Robert Brasillach, écrivain, journaliste, collaborateur fusillé à Libération, Pierre Blanchar, acteur, la famille Ganachaud, célèbres boulangers parisiens … Sont également inhumés dans la fosse commune de nombreux fédérés de la Commune de 1871.

En sortant du cimetière, nous longeons le chemin du parc de Charonne et laissons libre cours à notre imagination pour nous transporter quelques siècles auparavant sur le domaine du Château de Charonne disparu à la fin du XVIII siècle.

 

Nous achevons notre parcours devant les réservoirs d’eau non potable du 20e arrondissement sur lesquels depuis 2020 « Le Paysan Urbain » a installé une micro ferme.  La démarche est de produire bio et de distribuer en circuit court. Elle a également comme objectif de créer des emplois en insertion, des liens avec les agriculteurs ruraux et de sensibiliser aux enjeux environnementaux.

Après cette promenade dépaysante au cœur de la « campagne à Paris », nous nous séparons, certains repartent vers leurs occupations, d’autres partagent un pot à la terrasse d’un café de la place Gambetta et ont, également, une pensée pour Josette qui a vécu à quelques mètres de là.

Texte : Joëlle EGRET – Photos : Christiane BRUNEAU & Jocelyne POULIZAC

 

 

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