Visite des coulisses de l’UNESCO – Mercredi 6 avril 2022

La visite des coulisses de l’UNESCO, pour le deuxième groupe AMICAF, est définitivement marqué du sceau de la malchance. En effet, après deux annulations, le groupe de participants du 6 octobre est « décimé », 14 au lieu de 20 à cause du covid.

Lorsque notre conférencier Yacine nous rejoint et quand nous lui expliquons ces empêchements, il comprend mieux pourquoi l’agence Cultival a maintenu cette visite, une nouvelle annulation n’était pas acceptable. Car, précise-t-il, depuis le 30 mars et jusqu’au 13 avril se tient la 214e session du Conseil exécutif de l’UNESCO rendant la visite de certaines parties de l’UNESCO impossible.

Nous pénétrons dans le grand hall et nous nous regroupons autour de la maquette qui permet de visualiser l’ensemble des bâtiments. Notre guide retrace l’historique de la construction, évoque les missions de l’institution. Comme Denise a déjà évoqué ces sujets lors de la parution du compte rendu de la visite du premier groupe, nous ne les reprendrons pas.

Seule une évocation nouvelle comme celle de l’extension nécessaire des locaux devenus trop étroits dans le respect de la législation en vigueur interdisant la construction d’immeubles de 15 étages. L’architecte Bernard Zehrfuss s’inspirera des maisons à patio de l’époque romaine découverte à Bulla Regia, près de la ville de Jendouba en Tunisie pour créer les six patios de la Piazza contournant ainsi l’impossibilité de construire en hauteur à Paris. Ce sont des demeures patriciennes ornées de très beaux pavements de mosaïques avec un extraordinaire étage souterrain.

  site tunisien de Bulla Regia                                                                                                                                                                                                              

Nous sortons pour aller admirer les œuvres installées sur la Piazza. Mais auparavant Yacine nous parle de l’organisation de l’institution, sous l’auvent appelé « la cornette » en référence à la coiffe des religieuses de l’époque, le vent souffle et nous sommes quelque peu réfrigérés.

L’UNESCO compte 193 états-membres ainsi que 11 membres associés comme la Nouvelle Calédonie, les Iles Caïman… et deux états observateurs : Les Etats-Unis et le Saint Siège. L’institution a trois organes constitutionnels : la conférence générale, le conseil exécutif et le secrétariat.

La conférence générale siège tous les deux ans. Elle réunit les représentants des états-membres qui disposent chacun d’une voix. Elle définit l’orientation et la ligne de conduite générale de l’UNESCO et adopte un programme et un budget pour les deux ans suivants.

Le conseil exécutif se compose de 58 membres élus pour mandat de 4 ans par la conférence générale. Leur choix représente la diversité des cultures et des régions du monde. Il est renouvelé par moitié tous les deux ans. Lors de la conférence générale, le président du conseil exécutif est choisi par ses membres pour deux ans. Il siège au moins 2 fois par an dans l’intervalle des sessions de conférence générale.

Le secrétariat est la branche de mise en œuvre de l’UNESCO. Il comprend le directeur général et l’ensemble du personnel (1 070 fonctionnaires). Le directeur général est élu par le Conseil exécutif dont le choix est ratifié par la conférence générale pour un mandat de 4 ans renouvelable une seule fois depuis 2005.

La gestion du budget lui revient. Il est de 1,2 milliards de dollars dû à 47 % aux contributions des états-membres. Ces contributions sont l’équation entre un pourcentage du PIB et le nombre d’habitants du pays.

Notre guide indique que la directrice générale depuis 2017 (mandat renouvelé en novembre 2021) est Audrey Azoulay, Française, très appréciée car elle possède deux qualités essentielles pour ce poste : excellente gestionnaire et grande visionnaire.

Après ce récit, nous avançons sur la Piazza pour regarder l’œuvre du sculpteur britannique Henry Moore « Silhouette au repos ». Le bloc de travertin qu’il a façonné au pied de la montagne de Carrare (Italie) pesait 60 tonnes, la statue proprement dite pèse 39 tonnes, son socle 12 et les trois pieds, 4 tonnes chacun, soit les 60 tonnes.

Derrière la statue, nous apercevons le globe symbolique d’Erik Reitzel.

Sur la gauche, le mobile d’Alexander Calder se balance au gré du vent. C’est le plus grand d’Europe, il mesure 10 mètres de haut, la longueur des flèches est de 7 mètres, le poids de la base de 1500 kg celui de la tête du mobile 500 kg. Né à Philadelphie aux Etats Unis en 1898, Calder fit des études d’ingénieur, puis se consacra à la peinture et aux techniques de la sculpture. Au cours des années 20, il fait connaissance des surréalistes, dadaïstes et cubistes à Paris et peu à peu, se convertit à l’art non figuratif et réalise ses premiers mobiles en 1932.

 

Toujours plus à gauche, nous entrons dans un bâtiment contigu à la salle de conférences dit « l’accordéon » où sont exposées les peintures murales du Soleil et de la Lune. Ce sont une paire de peintures murales de céramique conçus par l’artiste catalan Joan Miro et Josep Llorens  Artigas  pour le siège de l’UNESCO. Installées à l’origine sur la piazza, finalement déplacées à l’intérieur pour les protéger contre les intempéries et les pluies acides.

Yacine nous invite à regarder au travers de la baie vitrée pour apercevoir au loin la tour Eiffel et les drapeaux des pays présents au Conseil exécutif.

Revenus dans le hall d’accueil, notre guide nous entraine près de la librairie pour nous parler, devant une vitrine où figure « l’Atlas mondial des langues » une nouvelle évaluation approfondie de la diversité linguistique mondiale.

S’en suit un petit interrogatoire : combien de langues parlées dans le monde : 100, 1 000, 10 000 ? La réponse environ 8000.

Il nous précise que d’ici la fin du siècle, la moitié de ces quelques 8 000 langues parlées aujourd’hui dans le monde pourraient disparaître. Il y a donc urgence à préserver et favoriser la diversité linguistique ce, à quoi s’attache l’UNESCO.

Puis, il nous rappelle qu’en 1945, les cinq langues officielles étaient : anglais, mandarin (appelé officiellement chinois), espagnol, français, russe, plus l’arabe depuis 1973. Que l’hindi et le portugais sont les deux langues les plus parlées dans le monde et qu’elles ne figurent pas dans les langues officielles. Ainsi, la communauté des pays de langues portugaises (Brésil, Angola, Cap Vert, Guinée-Bissau, Mozambique, Sao Tomé-et-Principe, Macao) réclame un statut officiel de leur langue.

Internet, devenu le principal mode de partage des informations, a un rôle clé à jouer dans la promotion du multilinguisme. Longtemps dominant sur la Toile, l’anglais n’est plus aujourd’hui qu’une langue parmi d’autres dans le cyberespace. Sa part relative a reculé pour s’établir à environ 30 %, tandis que le français, l’allemand, l’espagnol et le mandarin figurent désormais parmi les dix langues les plus utilisées en ligne. Certaines d’entre elles ont connu une progression fulgurante : la présence du mandarin, par exemple, a augmenté de plus de 1 200 % entre 2000 et 2010.

Nous allons jusqu’au hall de la salle de conférences, mais il nous est interdit de passer « le rubicond », nous tentons d’apercevoir les peintures de Picasso « la chute d’Icare » au fond et sur la gauche, celle de Karl Appel « la rencontre du printemps et à droite celle d’Erro intitulée « l’histoire de Thor ». Bravant l’interdit, Yacine va ouvrir la porte de la salle de conférences afin que nous puissions entrevoir la salle.

 

 

Puis nous repartons à l’extérieur pour traverser l’espace de méditation, conçu par l’architecte japonais Tadao Ando (1941). Cette œuvre d’art a été commandée pour symboliser la paix et commémorer le 50e anniversaire de l’adoption de l’acte constitutif de l’Unesco. C’est la première réalisation de Tadao Ando en France. Grand admirateur de Le Corbusier, il a précisé : « le béton est l’invention de la France, je voulais le faire revenir dans son pays d’origine ». Il est aussi l’architecte de la Bourse du Commerce. Cet endroit, inauguré en octobre 1995, a été créé pour que les gens de partout, de toutes les religions et de toutes les races puissent prier pour la paix. La lumière pénètre dans cet espace juste par une fissure entre le mur et la circulaire à toit flottant. L’arrivée sur le cylindre se fait par une passerelle ce qui donne un sentiment de suspension. A l’intérieur du cylindre, notre guide nous demande de nous prêter à une expérience, collés à la paroi en béton totalement lisse et douce au toucher, de ressentir les vibrations lorsque l’un d’entre nous parle, puis de se mettre au centre de parler pour entendre l’écho de voix.

Nous débouchons ensuite sur la terrasse des délégués et croisons la jeune fille en bottes de Churyo Sato.

Sur le mur situé derrière cette statue, on découvre « L’Ange de Nagasaki » dont le visage troublant est l’unique reste d’une statue découverte dans l’église de Nagasaki entièrement détruite par l’explosion de la bombe atomique lâchée sur la ville en août 1945. La terrasse est un endroit où le personnel aime se retrouver pour prendre un café ou fumer ou tout simplement se reposer sur des poufs en pierre.

Juste après nous découvrons “La fontaine de la paix”, œuvre du sculpteur Noguchi, réalisée à partir d’un roc de granit gris, en son centre, le mot “paix” en caractères japonais est écrit à l’envers, de façon qu’il se reflète dans l’eau à ses pieds.

Nous descendons ensuite dans le jardin de la paix, véritable havre de tranquillité créé de toutes pièces par l’artiste Isamu Noguchi pour l’ouverture l’UNESCO en 1958. S’étendant sur plus de 1500 mètres carrés, il invite au délassement et à la méditation. Ce jardin est considéré comme le premier à avoir été créé par un sculpteur et non pas un jardinier. Chaque élément occupe une place minutieusement réfléchie : le lac, le pont, les blocs de pierre, les arbustes et les arbres forment un ensemble harmonieux qui ne demande qu’à être contemplé dans la sérénité la plus totale. Tous les arbres sont en fleurs et nous sommes émerveillés.

Yacine nous demande de regarder, sur la terrasse au-dessus du jardin, l’exceptionnel escalier des pompiers et les signaux éoliens du grec Vassilakis dit Takis qui lui font un clin d’œil avec leurs pieds en spirale.

Nous nous arrêtons devant la sculpture environnementale de Dani Karavan, artiste sculpteur et plasticien israélien intitulée « Square of Tolerance » pour symboliser le processus de paix israélo-palestinien portant la devise de l’UNESCO « Les guerres prennent naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la Paix » en arabe et en hébreu sur la première ligne et dans huit autres langues pour les autres lignes. Lors de l’inauguration en mai 1996, il a rendu hommage au rôle joué par Yitzhak Rabin, le Premier ministre israélien assassiné en 1995. Cette sculpture est également composée d’un olivier qui, en saison, donne des olives que l’on peut ramasser et emporter pour tenter de les planter pour « une multiplication d’oliviers de la paix » plaisante notre guide…. La sculpture est également visible de l’avenue de Saxe.

Nous revenons au début de notre parcours et remarquons la donation de Zurab Tsereteli, sculpteur russe, à l’occasion de sa nomination en tant « qu’ambassadeur de bonne volonté » de l’Unesco en 1994.

Cette « Naissance d’un homme nouveau » est une sculpture en bronze, faisant partie d’un projet conçu à l’occasion du 500e anniversaire de la découverte de l’Amérique en 1492 par Christophe Colomb. Ce don d’un Russe pour célébrer cette découverte et qui plus est, dans un lieu où l’on prône la paix en cette période de guerre, fait grimacer notre conférencier !!

  

Devant la statue d’Aurobindo, Yacine retrace l’histoire de l’homme et de la ville.  Auroville « ville de Sri Aurobindo » ou « ville de l’Aurore », est une cité expérimentale située en Inde à Viluppuram dans l’État du Tamil Nadu et en partie sur le territoire de l’Union de Pondichéry.

Elle fut créée en 1968 par Mirra Alfassa (Mirra Richard), plus connue sous le nom de « la Mère » compagne spirituelle du philosophe indien Sri Aurobindo. Auroville a pour vocation d’être, selon les termes de sa conceptrice, « le lieu d’une vie communautaire universelle, où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalité ». 

Aujourd’hui, les Aurovilliens, issus de cinquante pays, sont organisés en 35 unités de travail : agriculture, informatique, éducation, santé, artisanat, etc. Désert à l’origine, le lieu accueille aujourd’hui 2 500 personnes. Auroville est inaugurée le 28 février 1968 sous l’égide de l’Unesco et en présence du président de la République de l’Inde et de représentants de 124 pays. Lors de la cérémonie, un garçon et une fille représentant chacun des 124 pays du monde, versent une poignée de terre de leur sol natal dans une urne en forme de lotus en signe de fraternité universelle.

A côté de la statue d’Aurobindo, notre guide nous montre les deux animaux offerts par l’Azerbaïdjan : un cheval et un bélier étrusques.

Pour terminer la visite, Yacine notre conférencier, nous ramène vers la statue de l’homme qui marche de Giacometti.

Alberto Giacometti est un sculpteur, peintre et graphiste moderniste suisse, né à Borgonovo,  en 1901 et mort à Coire en 1966. La sculpture « L’Homme qui marche », symbole de l’humanité, forte dans sa fragilité car elle avance. Elle serait l’œuvre à l’estimation la plus élevée 12 000 francs à l’origine, aujourd’hui équivalant à 100 millions d’euros. Impénétrable, l’homme se dirige vers un ailleurs. Il ne possède aucun trait personnalisable. Il n’est vêtu que de sa peau bosselée. Par cette absence d’identification du visage, le personnage exalte une portée universelle. Yacine nous fait remarquer que l’éclairage de la statuette renforce la marche en avant avec les ombres portées sur le mur.

La visite est terminée, notre conférencier nous demande de nous regrouper près de la librairie le temps qu’il aille rechercher nos cartes d’identité. Certains font quelques emplettes à la librairie. D’autres auraient souhaité déjeuner au restaurant de l’UNESCO, le menu met l’eau à bouche, hélas il aurait fallu réserver.

Texte & photos : Jocelyne Poulizac