Visite de l’Hôtel de la Marine – Jeudi 26 avril 2022

Nous sommes 20 amicafiens, le maximum autorisé, pour découvrir l’Hôtel de la Marine. Munis d’un audioguide, nous commençons la visite en suivant notre conférencière, Odile Déchelotte.

Ce palais a été érigé en 1760 place Louis XV pour mettre en valeur une statue équestre du roi commandée au sculpteur Edmé Bouchardon. C’est Ange-Jacques Gabriel, premier architecte du roi qui a été retenu, après 5 ans de débats, pour l’aménagement de cette place devenue par la suite place de la Révolution, puis place de la Concorde en 1795.

Depuis 2015, l’hôtel de la Marine est confié au Centre des Monuments Nationaux qui y a mené une restauration d’une grande ampleur sur l’ensemble du monument de 2017 à 2021, avec pour devise : « un lieu culturel doit être rentable ». Ainsi, une concession a été donnée au chef cuisinier Jean-François Piège qui a ouvert, dans la cour d’honneur, la brasserie Mimosa offrant une cuisine méditerranéenne. Un café et une librairie complètent le dispositif.

   

Odile Déchelotte attire notre regard sur la verrière de la cour de l’Intendant en verre feuilleté, taillé comme un diamant, véritable puits de lumière.

 Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray

A l’origine, l’hôtel était dédié à la gestion du mobilier royal : meubles, tapisseries armes et pièces d’orfèvrerie. Le premier étage servait d’appartements à l’intendant du garde -meubles et à sa famille. Pierre-Elisabeth de Fontanieu y fut intendant de 1777 à 1783, puis Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray lui succéda de 1784 à 1792.  L’Hôtel de la Marine a abrité « provisoirement » le ministère de la Marine de 1799 jusqu’à son départ en 2015. En France, le provisoire dure longtemps !!

Après la cour, nous empruntons l’escalier de l’intendant qui conduit à ses appartements.

Nous entrons dans l’antichambre de Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray qui a servi de bibliothèque : quelques livres entassés nous rappellent que 6 000 ouvrages de la Marine dont le plus ancien datait de 1657 s’y trouvaient. Dans la deuxième antichambre de l’intendant, nous admirons le parquet. Au-dessus de la porte, une petite fenêtre s’entrouvre sur le logement du valet du maitre des lieux, impossible de se tenir debout !

Puis, dans le cabinet de travail trône un bureau cylindre de l’ébéniste Jean-Henri Riesener, une table de jeux et un autre bureau où sont posés des bronzes collectionnés par Louis XIV. Le parquet composé, là encore, de marqueterie de plusieurs essences allant de l’acajou, du chêne ou du sycomore au poirier noirci, moins cher que l’ébène, est magnifique. Nous remarquons également les pendules de Ferdinand Berthoud, horloger- mécanicien du roi et de la Marine et qui fonctionnent encore ! Sur une commode, un coffre d’armes de collection ayant appartenu à Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray.

 Cabinet de l’Intendant

 

Ensuite, nous entrons dans la chambre à coucher de l’intendant dont les tentures et le papier peint sont de couleur bleu-ciel. Nous passons devant le cabinet de physique pour entrer ensuite dans la chambre de repos où se trouve une baignoire recouverte d’un drap et un lit de repos.

 

Un groupe de personnes derrière nous s’impatiente et nous revenons sur nos pas vers la salle à manger. La table ronde est parée de très beaux biscuits et de vaisselle raffinée, des coquilles d’huitres restent dans les assiettes en clin d’œil au tableau commandé par le roi au peintre Jean-François de Troy « Le déjeuner d’huitres », tableau que nous verrons à Chantilly au musée Condé. Les murs sont décorés de tableaux en forme de médaillons représentant des scènes champêtres.

Nous continuons vers le salon de compagnie comprenant des tables de jeux, des fauteuils et deux tapisseries de Lice provenant de la manufacture des Gobelins et de l’atelier Cozette. L’une d’entre elles s’intitule « Le chameau » et on y voit des animaux exotiques tels qu’un lama et un chameau ainsi que des oiseaux et des poissons.

Odile Déchelotte nous indique que l’État-major de la Marine allemande occupait l’hôtel de la Marine pendant la seconde guerre et que des soldats étaient retranchés dans le salon de l’Intendant. Situé à l’angle de la place de la Concorde et de la rue de Rivoli, ce dernier offrait une position stratégique. Dissimulés derrière les volets intérieurs, les Allemands pouvaient observer discrètement leurs ennemis par un œilleton percé en plein milieu du volet.

Nous arrivons à la chambre à coucher de Madame de Ville d’Avray où trône un lit dit « à la Polonaise » avec son baldaquin de teinte vert-clair et détail amusant à son pied une niche pour petit chien.

A côté de la chambre, se trouve un cabinet bibliothèque où une pendule en forme lyre est posée sur la cheminée.

Puis, nous entrons dans la chambre à coucher de Monsieur Pierre-Elisabeth de Fontanieu dont le rouge est la couleur dominante.

Un coup d’œil sur la loggia qui longe le salon des amiraux, composé de deux pièces en enfilade qui regroupent les portraits des grands amiraux et un dispositif avec écrans tournants où des personnages s’animent pour nous conter l’histoire du monument. Certains nous font même un clin d’œil !!

Bougainville    Suffren

Ce salon rend hommage aux amiraux célèbres de l’Ancien Régime comme Jean Bart, Louis-Antoine de Bougainville, Charles Louis de Couëdic, Abraham Duquesne, René Duguay Trouin, Claude de Forbin, Jean-François de La Pérouse, Louis-René-Madeleine de Latouche-Tréville et Pierre-André Suffren. Le souvenir de plus de 200 ans d’occupation de la Marine est toujours vivant. Les symboles maritimes sont nombreux : ancres entrelacées, poissons, dauphins, cornes d’abondance, reproduits sur les murs et plafonds en bois doré.

Rapidement, nous avançons vers le cabinet des glaces ou boudoir des Glaces peintes. Cette petite pièce frappe par l’originalité et le luxe de son décor. Il fut conçu dans les années 1770-1774 par l’architecte Jacques Gondoin pour Pierre-Elisabeth de Fontanieu, célibataire, libertin qui appréciait la compagnie des danseuses d’opéra aux mœurs légères. Les décors ont été modifiés en 1784 par Madame Thierry de Ville-d’Avray, assez prude, elle souhaitait rhabiller ces divinités féminines gréco-romaines nues et en aurait maquillé certaines en chérubin pour que le décor fut plus convenable.

Démonté et remonté au château de Fontainebleau sur ordre de Louis Philippe qui voulait en orner sa salle de bains. Il a retrouvé son emplacement originel en 1997.

Bureau Schoelcher

 Accroc dans le volet

La pièce suivante, le salon diplomatique ou des ambassadeurs, a connu de nombreux événements historiques, anecdotes ou faits divers. Les murs de ce salon ont dû abriter beaucoup de secrets. Derrière le mur, le long de la cheminée se trouve dissimulée une cachette exiguë dans laquelle un espion pouvait se glisser pour écouter les débats. Odile tente en vain de l’ouvrir.

Les événements survenus dans ce salon sont les suivants :

  • Les 11, 13 et 16 septembre 1792, une bande de brigands menée par un certain Paul Miette s’introduit dans la salle appelée alors salle des bijoux pour y dérober les Joyaux de la Couronne en crochetant le volet intérieur.  Selon l’inventaire commandé par l’Assemblée nationale constituante en 1791, le trésor était composé de plus de 10 000 pierres : diamants, perles, rubis, émeraudes, topazes et autres saphirs. De nombreuses pièces irremplaçables constituaient un trésor national, amassé depuis le XVIe siècle par les rois de France, comme le « Grand Saphir » de Louis XIV et le diamant le « Sancy ». Parmi les pièces ayant le plus de valeurle diamant le « Régent » était le joyau le plus précieux. Était-ce un coup monté par Danton, ce qui avait été émis à l’époque ? On l’ignore encore !!!
  • Le 21 janvier 1793, exécution de Louis XVI place de la révolution et signature de son acte de décès par Gaspar Monge, ministre de la Marine et le 24octobre 1793, signature de l’acte de décès de Marie Antoinette.
  • Le 25 octobre 1836, depuis la loggia, Louis Philippe assista à l’installation de l’obélisque de Louxor sur la place.
  • Et enfin le 27 avril 1848, Victor Schoelcher, sous-secrétaire d’Etat aux Colonies y signe le décret d’abolition de l’esclavage sur le bureau repositionné et visible aujourd’hui.

Deux grands tableaux représentant Napoléon III et l’impératrice Eugénie décorent les murs, un très beau lustre suscite notre admiration.

Nous sortons sur la loggia et Odile Déchelotte nous indique tous les monuments importants que l’on aperçoit depuis cette loggia, la plus belle vue de Paris. Elle évoque un événement plus récent, le défilé commémoratif du bicentenaire de la Révolution française conçu par Jean-Paul Goude, les 13 et 14 juillet 1989. Les invités du président François Mitterrand ont pu suivre ce défilé depuis la loggia.

Nous nous engageons dans la galerie des ports de guerre : décor de bois sculpté datant des années 1867-1870, les cinq principaux ports de guerre de l’époque : Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort et Toulon inscrits dans des médaillons dorés sur des panneaux en bois peints imitant l’ébène et l’acajou. Tous sont identiques et surmontés d’une étoile sauf celui de Rochefort qui est inversé et surmonté du monogramme N entrelacé du chiffre 3, symbole de Napoléon III, décor réalisé sous le second Empire.

Puis, nous traversons la galerie dorée magnifiquement ornée et où l’on dénombre des symboles maritimes.

Pour terminer la visite, nous redescendons l’escalier d’honneur construit par Jacques-Germain Buffon qui secondait Gabriel dans la construction de l‘hôtel de la Marine. Les symboles de la Marine s’affichent sous la forme de deux médaillons représentant une ancre de marine entrelacée de deux dauphins sur la rambarde de l’escalier, oeuvre du serrurier Claude Roche.

Une visite très enrichissante qui se termine d’abord à la librairie, puis pour certains au café « La Pérouse » pour prendre une boisson, quand d’autres rentrent directement à leur domicile.

Texte : Denise Meunier et photos : Christiane Bruneau & Jocelyne Poulizac

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