Promenade mystère : De la Petite Chaise à la Tour Montparnasse – Mardi 12 décembre 2023

Nous étions 23 à l’angle de la rue de Sèvres et du boulevard Raspail pour parcourir un chemin tortueux qui va nous mener de « La Petite Chaise » à la (grande) Tour Montparnasse.
Nous entrons dans la rue de La Chaise qui aboutit rue de Grenelle pile en face du plus vieux restaurant de Paris fondé en 1680. Les rois Louis XIII puis Louis XIV s’y arrêtaient pour « manger un morceau » en revenant de la chasse. (Grenelle vient de Garnella qui signifie petite garenne, soit terrain de chasse).


La maison qui l’abrite a été construite en 1610. Le nom vient de la déformation du vieux français Chèze (casa) qui voulait dire maison isolée.
Mais, laissons là le menu qui attire nos promeneurs et continuons jusqu’à la rue du Dragon. Dont le nom vient du fait que la cour du Dragon y avait son débouché. La cour, aujourd’hui disparue, tire son nom d’une sculpture en pierre représentant un dragon sculpté par Paul-Ambroise Slodtz (1702-1758).
Elle s’appelait jadis « rue du Sépulcre »,  nom des chanoines du Saint-Sépulcre qui y avaient une propriété au début du XVe siècle. Elle est citée sous  ce nom dans un manuscrit de 1636. Les riverains demandèrent en 1808 que leur rue soit rebaptisée, ce qui leur fut accordé.
La rue du Dragon a été très médiatisée en décembre 1994 lors de l’occupation spectaculaire par l’association Droit au Logement d’un immeuble vide au n° 7 pour héberger des mal-logés.
D’après Simone Signoret ce numéro était une boîte aux lettres de la Résistance pendant l’Occupation, et  pour cela l’immeuble fut « visité » par la Gestapo. La façade du bâtiment, construit en 1938 à l’emplacement de l’entrée de la cour du Dragon,  est ornée de mascarons de têtes de méduses.

 
Roger Martin du Gard s’installe dans un appartement au n° 10 en décembre 1945 ; une plaque lui rend hommage. Charlotte Aillaud, sœur de Juliette Gréco et ancienne déportée pour faits de Résistance, y demeura et organisa de nombreux dîners mondains entre 1958 et 1978.
Dans cette rue on peut voir un bas-relief de symboles et outils maçonniques (compas, équerre, globe céleste)… et plus loin, une façade ornée d’un médaillon d’homme couronné : le potier – émailleur Bernard Palissy  habitait et travaillait là et son nom fut donné à une rue toute proche.


L’écrivain Claude Mauriac y vécut les années de la Seconde Guerre mondiale.
En 1963, le cinéma Le Dragon ouvre au n° 24. Dans l’immeuble, construit au XVIIe siècle et prenant la suite d’un hôtel, une salle de cinéma est aménagée au rez-de-chaussée et au premier étage, pouvant accueillir 350 spectateurs. Novateur sur la programmation, le cinéma s’oriente à partir de la fin des années 1970 vers la diffusion de pornographie gay. Il devient alors le Dragon Club Vidéo Gay puis le Club Vidéo Gay. Il ferme en 1986, aujourd’hui, c’est un magasin de surgelés.

   
Enfin, au n° 31, au fond de la cour, on peut voir l’annexe de l’Académie Julian. Les locaux sont rachetés par Guillaume Met de Penninghen et Jacques d’Andon en 1959 pour devenir l’école d’art ESAG Penninghen en 1968. Quittons cette rue, courte mais chargée d’histoire, pour la rue Du Four. A propos de four, nous voici devant la première boutique boulangerie Poilâne ouverte à Paris.

 

La rue Du Four doit son nom au four banal de l’abbaye Saint-Germain qui y était…  Très ancienne voie qui conduisait aux villages d’Issy et de Sèvres, son nom a été modifié 10 fois au cours des siècles.
Au XIIIe siècle elle fut nommée « vicus Furni » en 1261 et « rue de la Granche Jehan le Bouvier » en 1296; au XIVe siècle : « Grand rue Saint-Germain » et « chaussée du Roi » (1398) ; au XVe siècle : « grand rue du Four », puis par corruption elle est devenue « rue du Bourg » (1412) et « rue de la Maladrerie » (en 1413), « Chemin de Vaugirard » (en 1428), puis « rue de la Blanche Oie » entre la rue de Montfaucon et la rue des Canettes, et enfin, avant son nom actuel, « rue du Four Saint-Germain ».
Elle est citée sous le nom de « rue du Four », dans un procès-verbal de visite, en date du 22 avril 1636, indique qu’elle est « salle, boueuse et remplie d’immondices et de plus avons particulièrement vu quantité de fumiers couplés aux boues, qui arrêtent le cours des eaux des ruisseaux ».
C’est dans un appartement du n° 48, au premier étage, que s’est tenue la première réunion en séance plénière du Conseil National de la Résistance (CNR) le 27 mai 1943, réunissant tous les chefs de la Résistance, qui reconnurent Jean Moulin comme le chef du CNR . Enfin, en 1956, Régine crée rue du Four sa première boîte de nuit.
Nous arrivons au Carrefour de la Croix Rouge. Si la plaque du carrefour existe toujours, une nouvelle plaque précise que la place s’appelle désormais « Place Michel Debré », où, depuis 1988 trône « le Centaure » du sculpteur César, en hommage à Picasso.

 

De là, nous prenons la rue du Cherche Midi, dont l’origine du nom est incertaine : une enseigne peinte où l’on voyait des gens chercher midi à 14 heures ? Ou une déformation du lieu-dit La Chasse au Midi, proche de l’Hôtel de la Chasse ? Ne cherchons pas, elle sera désormais notre fil conducteur pour découvrir ses voisines.

 
Au n° 18, se trouve le superbe Hôtel de Marcilly avec ses deux façades décorées au 18è siècle, avec un dessus de porte en relief dans le style de Bouchardon.
Au croisement  du Bd Raspail,  au n° 56, un immeuble moderne, « La maison des sciences de l’Homme » créée en 1968, remplace la prison militaire où eut lieu le 1er procès de Dreyfus en 1894 et où fut interné Estienne d’Orves. Aujourd’hui de nombreux chercheurs du CNRS y travaillent.
Au passage, nous admirons les façades de l’autre côté du boulevard, puis au 78, la Bibliothèque André Malraux (ex Mont de Piété).

   
Nous quittons le boulevard Raspail pour entrer dans la petite rue du Regard. Nom dû à un regard de fontaine qui se trouvait à l’angle de la rue de Vaugirard. Fontaine édifiée en 1810 et transportée en 1860 au dos de la fontaine Médicis dans le jardin du Luxembourg.

 
Au 44, vivait Garat qui succéda à Danton comme ministre de la justice et lut à Louis XVI son arrêt de mort.
Mais revenons rue du Cherche Midi, jusqu’à la rue Saint Placide, toujours très animée car envahie par des boutiques de soldes permanents. Aux N° 36 et 38, siègent des immeubles construits par Davioud.
Puis très vite, un nouveau virage nous mène rue de l’Abbé Grégoire. Elle tient son nom actuel de l’abbé Henri Grégoire (1750-1831), évêque constitutionnel de Blois parce que cet abbé est mort dans une maison voisine, rue du Cherche-Midi. Elle a porté les noms de « passage du Manège » en 1816, « rue des Missions » en 1868 à cause de sa proximité avec le séminaire des Missions Étrangères.
Le médecin René-Théophile-Hyacinthe Laennec vécut au N° 17 de 1825 à 1826 ; une plaque lui rend hommage.
Plus loin, c’est l’école Grégoire-Ferrandi, construite par l’architecte Marcel Henri Albert Dastugue, en 1960, où il faudra  aller déjeuner un jour…

Après avoir dépassé l’hôtel du Dr Récamier, des plaques nous intriguent : elles commémorent l’aide apportée par la France à la conquête de l’indépendance des Etats Unis. C’est aussi  la création de la plus ancienne section d’anciens combattants du monde…


Nouveau virage à gauche et nous descendons la rue du Cherche Midi jusqu’au boulevard Montparnasse. Sans jouer sur les mots, nous aurions pu finir rue de l’Arrivée, mais nous avons préféré nous arrêter et remplir une terrasse couverte et accueillante pour savourer une boisson chaude, ou fraîche !

 

 
Texte : Christiane Bruneau
Photos : Jeannette Belluc et Christiane Bruneau