Exposition « Amadeo Modigliani et son marchand » – Mercredi 6 & Vendredi 8 décembre 2023

Pour la dernière exposition de l’année 2023, deux groupes de l’AMICAF se sont retrouvés à quelques jours d’intervalle au musée de l’Orangerie pour découvrir les tableaux d’Amadeo Modigliani et comprendre sa relation avec Paul Guillaume, son marchand. La collection est complétée par des sculptures, photographies et documents d’archives.

Une nouvelle fois, Odile Déchelotte, notre conférencière nous entraine dans l’univers artistique parisien du début du XXe siècle. Paris représente alors un pôle d’attraction pour les avant-gardes artistiques. Un ensemble d’artistes  venus de nombreuses régions du monde viennent s’y installer à l’instar d’ Amedeo Modigliani, arrivé d’Italie en 1906.

Munis d’audiophones, nous suivons Odile dans la première salle consacrée à Paul Guillaume. Dès l’entrée, dans les deux maquettes de la salle à manger et du bureau de ce dernier, nous apercevons des sculptures africaines et des tableaux. Sur les murs se côtoient les œuvres de Modigliani, Picasso, Derain…. ainsi que celles des peintres exposés dans les galeries successives comme Matisse,  De Chririco, Soutine, Marie Laurencin…

Portraits de Paul Guillaume par :

Amadeo Modigliani                                 André Derain

 

 Kees Van Dongen                                                              Amadeo Modigliani                                             

Grand collectionneur, il fait la connaissance de Modigliani par l’intermédiaire de Max Jacob en 1914, année au cours de laquelle le mécène du peintre, Paul Alexandre est au front. Il  devient alors son marchand exclusif. Il lui loue un atelier à Montmartre, l’encourage et le fait connaitre  dans les cercles artistiques et littéraires parisiens. Mais à la suite d’une brouille entre les deux hommes, Léopold Zborowsky, poète  et marchand d’art moderne prend le relais dès 1916 et  jusqu’au décès du peintre en 1920. Toutefois, Paul Guillaume restera un ardent défenseur de Modigliani et contribuera à la diffusion de ses œuvres après sa mort.

Modigliani rend hommage au jeune marchand alors âgé de 23 ans en donnant ce titre : « Paul Guillaume, Novo Pilota » à l’un de ses portraits,  le  reconnaissant ainsi comme le nouveau pilote, mécène et visionnaire de l’art moderne des années 1900. Notre conférencière nous fait remarquer que Paul Guillaume tient une cigarette ce qui est totalement nouveau pour un portrait.

Dans la deuxième salle, nous abordons avec Odile, les  influences extra occidentales sur la peinture d’Amedeo Modigliani. En 1909, Modigliani rencontre  le sculpteur Constantin Brancusi , ils deviennent amis. Ce dernier lui trouve un atelier à Montparnasse où Modigliani se consacre à sa passion, la sculpture et ce jusqu’à sa rencontre avec Paul Guillaume. Il se rend régulièrement au musée du Louvre, au musée ethnographique du Trocadéro, au musée Guimet et à la galerie Brummer spécialisée en art africain . A cette même période, Paul Guillaume est l’un des rares marchands à considérer les statues et les masques africains comme des œuvres d’art.  Pour des raisons financières et surtout pour des raisons médicales, il abandonne la sculpture et reprend les pinceaux.  Modigliani fait partie des artistes qui remettent en question la façon de représenter les figures humaines comme les cubistes. Il s’inspire de l’Antiquité et de l’art africain. Odile attire notre attention sur les similitudes entre les têtes sculptées exposées et les portraits accrochés.

Lola de Valence                                                                       Antonia                                                                                  

Nous observons les caractéristiques physiques de « Lola de Valence » et la « Fille rousse, Antonia ». La forme allongée et ovale des visages, les longs cous cylindriques, les longs nez, les yeux en amandes parfois vides et sans pupille ou avec une seule. Modigliani s’explique : « d’un œil, tu observes le monde extérieur, de l’autre, tu regardes au fond de toi-même ». Le style des yeux évoluent au fil du temps, des modèles et de l’état émotionnel du peintre. Ils peuvent également être noirs ou brouillés.

Dans la salle suivante, nous retrouvons les portraits de personnalités du Paris de l’époque car au fil des années et des rencontres, Modigliani a peint presque tous les écrivains et artistes notamment le peintre Moïse Kisling  (1), l’écrivain Jean Cocteau (2) , le poète Max Jacob (3), le sculpteur Brancusi (4).

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Sans oublier les femmes qui ont comptées dans sa vie : la journaliste et poétesse Béatrice Hasting dite « Madame de Pompadour » avec laquelle il aura une liaison très houleuse durant deux ans. Modigliani l’abandonne pour s’installer avec une jeune modèle et étudiante en art, Jeanne Hébertune, l’amour de sa vie. Modèle du peintre Foujita, c’est la sculptrice Chana Orloff qui les présente l’un à l’autre en 1917.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      

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Béatrice Hasting – L’original (2) par Amedeo Modigliani et la copie (1) par Joëlle Egret : Bravo l’artiste !

Jeanne Hébertune

Odile nous montre une très belle photo de Jeanne d’où émane la douceur et où l’on perçoit son teint blanc laiteux contrastant avec ses cheveux châtains aux reflets roux. En novembre 1918, elle met au monde à Nice une petite fille Giovanna. Il oubliera d’aller la déclarer à la mairie tant il était heureux et qu’il avait trop arrosé l’événement.

A bout de forces, Modigliani meurt le 24 janvier 1920. Il est inhumé au Père Lachaise. Jeanne, enceinte de 9 mois  se suicide en se défenestrant. Ils seront réunis quelques années plus tard lorsque les parents de celle-ci consentent à transférer sa dépouille aux cotés de celle d’Amedeo.

La quatrième salle est consacrée aux dernières années de l’artiste. Léopold Zborowsky incite Modigliani à peindre des nus féminins.  En 1917, il inaugure dans la galerie de Berthe Weill sa première exposition personnelle. Celle-ci fait scandale et lors du vernissage, la police enlève les nus de la vitrine pour outrage à la pudeur notamment à cause des poils pubiens. Les nus représentent 10 % de la production de l’artiste et sont considérés comme ses œuvres les plus célèbres. Nous sommes déçus car le tableau « nu allongé », prêté par la Pinacoteca Agnelli de Turin, a été décroché.

Au printemps 1918, la santé de Modigliani est préoccupante, Léopold Zborowsky propose au couple de se rendre dans le sud de la France. Le marchand d’art et sa femme, Foujita et Soutine sont également du  voyage. Pendant cette période, Modigliani continue  de peindre ses proches et amis artistes mais donne une place plus importante aux anonymes faute  de modèles. Il peint donc des enfants, des adolescents, des paysans. Au contact de la Méditerranée et de la lumière, les couleurs s’éclaircissent. La ligne des corps s’arrondit et devient plus voluptueuse. La peinture est plus sereine.

Le parcours se termine par la projection d’un film réalisé à partir de photographies d’archives qui évoquent les différents appartements de Paul Guillaume et fait écho aux maquettes présentées dans la première salle. Il permet de mieux comprendre comment s’inséraient les œuvres de Modigliani et ceux des autres artistes tels Picasso, Matisse, Renoir, Cézanne, Derain, dans les intérieurs de ce galériste collectionneur.

Amadeo Modigliani a vécu une courte vie mais son style de peinture a eu une grande influence sur l’histoire de l’art moderne.

Texte  : Joëlle Egret – Photos : Jocelyne Poulizac