Visite du Petit Cimetière du Montparnasse – Mercredi 5 juin 2024

Aujourd’hui, rendez-vous métro Raspail pour une visite insolite dans le petit cimetière du Montparnasse avec Vincent Delaveau, notre conférencier.

Nous nous dirigeons rue Émile Richard, rue sans numéro dans laquelle il n’y a pas âme qui vive.

L’évolution urbaine a impacté le cimetière du Montparnasse et en 1890 le percement de la rue Émile Richard a scindé le cimetière en deux parties inégales.

Actuellement, cette rue relie le boulevard Edgard-Quinet et la rue Froidevaux.

Ouvert en 1824, le cimetière Montparnasse, d’une superficie de 19 hectares, est la deuxième plus grande nécropole parisienne après le cimetière du Père Lachaise.

Très arboré par près de 1200 arbres, il abrite de nombreuses sépultures d’inconnus et de personnages illustres.

Un plan permet de situer l’emplacement des tombes célèbres telles celles des peintres, compositeurs, comédiens, musiciens, écrivains, politiques…

   Tania Rachevskaïa  

Pour débuter la visite notre conférencier nous amène vers une tombe que l’on ne voit pas, nous dit-il. En fait c’est la sépulture qui complète ce monument funéraire que nous ne voyons pas. Il s’agit de la tombe de Tania Rachevskaïa, jeune exilée russe suicidée en 1910 pour chagrin d’amour. Elle est donc ornée de ladite  sculpture « camouflouée » représentant deux amants enlacés qui s’embrassent réalisée par Constantin Brancusi, inconnu à l’époque où la famille l’achète.

Les héritiers de la défunte souhaitaient récupérer l’œuvre pour la vendre.  Après plus de dix ans de procédures, le Conseil d’Etat a considéré en juillet 2021 que la sculpture ayant été achetée dans l’unique but d’être scellée sur la tombe constitue un monument funéraire indivisible. Ce qui autorise l’État à l’inscription aux monuments historiques sans l’autorisation de ses propriétaires.

Dommage, nous ne pourrons pas admirer l’œuvre  cachée sous un coffrage de bois et surveillée par des caméras afin de la soustraire aux regards et aux dégradations.

Heureusement, il existe des dizaines de versions du Baiser réalisés par l’artiste entre 1907 et 1945.

Et comble de l’histoire, Constantin Brancusi (1876-1957) est enterré dans l’autre partie du cimetière.

Catulle Mendès, poète

Buste d’un poète écrivain un peu oublié aujourd’hui, Catulle Mendès (1841-1090). Il surplombe du haut d’une colonne, un jardin de fleurs de céramique qui semble en parfaite harmonie avec son style d’écriture précieux et désuet. En 1866, il épouse Judith Gautier, fille de Théophile Gautier qui n’approuve pas cette union. Il n’apprécie guère son gendre qu’il surnomme « Crapule m’embête »

 Raoul Valadin

Peintre

Famille Camille Pigeon

Charles Pignon (1838-1915) fut le premier à produire et à commercialiser un appareil d’éclairage portatif à essence. Surprenant tombeau de 18 places classé aux monuments historiques. Les deux époux sont représentés grandeur nature en tenue de ville allongés dans un lit monumental. Une plante verte en bronze orne le pied du lit et un ange tenant un flambeau surmonte le chevet de celui-ci.

 Laure Devéria

La tombe de Laure Devéria (1813-1838), peintre de fleurs, est ornée d’une grande tablette sur laquelle est ciselée le portrait en pied de la jeune femme à l’allure romantique devant son chevalet signé Hippolyte Maindron.

Gustave Jundt (1830-1884)

Peintre paysagiste et de genre, dessinateur, illustrateur et graveur. Le monument composé d’une stèle en pierre, grès des Vosges, est surmonté du buste en bronze du peintre, devant laquelle une jeune Alsacienne debout couvre la palette du peintre de fleurs. Signé Bartholdi.

 Famille Citroën

André Citroën (1878-1935) fonde à trente-cinq ans la Société des Engrenages pour l’exploitation d’un brevet polonais sur la taille des engrenages à denture en chevrons (qui deviendra le symbole de la marque) : ce fut un succès. En 1915, il approvisionna la France en obus et en matières premières industrielles : c’est à cette époque que fut construite l’usine de Javel. Dès 1918, il peut donner libre-cours à son vieux rêve : celui de construire une voiture populaire, véhicule qui n’existe pas encore.

 Famille Herbette.

Louis Herbette (1843-1921), préfet puis directeur de l’administration pénitentiaire, a commandé cette tombe de son vivant pour rendre hommage à sa femme, Jeanne Barreswill. Elle est représentée de manière monumentale assise sur un siège. Elle symbolise à la fois, la mort et l’espérance, elle est adossée contre un tronc de bois mort et ses pieds nus reposent sur des racines qui se terminent par une branche de chêne.

Trois artistes sont intervenus sur la tombe dont Oscar Roty surtout connu pour la figure de la Semeuse figurant sur les pièces de monnaie et les timbres.

 Joseph Kessel (1898-1979)

Grand reporter, journaliste, écrivain, résistant, il compose et coécrit avec son neveu Maurice Druon les paroles du Chant des Partisans qui résonna le 6 juin lors des commémorations du 80ème anniversaire du débarquement de 1944. En 1962, il est élu à l’Académie française.

 Famille Wildenstein

Famille de collectionneurs d’art de père en fils : Nathan (1851-1934), Georges (1892-1963), Daniel (1917-2001).

Et au milieu de ces tombes en pierre surgit un monument moderne, une structure métallique qui s’élance vers le ciel.

 Alfred Dreyfus (1859-1935)

Dans un fort contexte antisémite, il devint la victime d’une affaire de trahison qui divisa la France de 1894 à 1906. Condamné à la dégradation militaire et au bagne, il fut déporté à l’île du Diable. Grâce à une campagne de révision du procès, il fut tout d’abord déclaré coupable avec des circonstances atténuantes. Il fut gracié en 1899, mais ne fut réhabilité et réintégré dans l’armée qu’en 1906. Décoré de la Légion d’honneur et promu chef d’escadron, il termina sa carrière en tant que lieutenant-colonel durant la Première Guerre Mondiale.

 Famille Félix Valloton (1865-1925)

 Dessinateur de presse, graveur, peintre, critique d’art et romancier

Théophile Bader (1864-1962)

Cofondateur des Galeries Lafayette

 Famille Perron et Druker

 Un haut relief en marbre blanc réalisé par Léon Fagel représente Germaine Perron.

Certaines chapelles funéraires à l’abandon sont transformées en chapelles colombarium permettant ainsi le financement de leur restauration et un gain de place. Divisées en cases, elles peuvent accueillir trois à cinq urnes.

 Auguste Bartholdi (1834-1904)

Sculpteur, créateur de la célèbre statue de la Liberté et du Lion de Belfort dont la réplique se trouve Place Denfert-Rochereau… Il réalisa lui-même sa tombe dominée par un obélisque au sommet duquel un ange prend son envol. Un médaillon le représente de profil ainsi que son épouse.

 Chapelle de la famille Barboux

Henri Barboux (1834-1910), avocat, il fut notamment celui de Sarah Bernhat lors du procès qui l’opposa à la Comédie Française et celui de Ferdinand de Lesseps lors du scandale de Panama. Il fut élu à l’académie française en 1907. La sépulture est ornée d’une statue représentant une femme et un enfant.

Hommage aux communards fusillés au cours de la semaine sanglante 21-28 mai 1871. Inauguré le 10 mai 1910, le monument est composé d’un obélisque dû au sculpteur Antonio Orso sur lequel figurent des symboles funéraires et révolutionnaires (palme, flambeau, bonnet phrygien, soleil levant) et l’inscription « Morts de la Commune 21-28 mai 1871 ».

  Famille Wallon-Allart

Paul Wallon (1845-1918), architecte de l’Art Nouveau a construit cette tombe au décès de sa femme, Sophie Allart (1849-1905). Bien que restaurée en 2016, la tombe présente quelques altérations de la structure liées à l’armature métallique dans le béton. Un médaillon le représente.

Formé aux Beaux-Arts, il devient également un aquarelliste de talent et l’on découvre un décor naturaliste constitué de petites fleurs champêtres.

La Maréchale Pétain née Eugénie Hardon (1877-1962)

 Elle est enterrée aux côtés de son fils Pierre de Hérain, issu d’une précédente union et de sa belle-fille Odette Stern.

 Famille Morice.

Léopold Morice (1843-1920) sculpteur, est l’auteur entre autres du monument de la Place de la République qui constitue une de ses œuvres les plus célèbres. On peut également observer deux figures de génies des eaux sur le pont Alexandre III : la Fillette à la coquille et l’Enfant au crabe. Le caveau familial est décoré d’un relief représentant La Pleureuse épuisée de chagrin dont il est à l’origine.

Guy de Maupassant (1850-1893)

Écrivain qui a marqué la littérature du XIXème siècle par ses nouvelles et romans qui peignent avec réalisme et souvent avec une pointe de cynisme la société de son époque.

Sur une ancienne pierre tombale l’épitaphe suivante est gravée « Les disparus ne sont pas des absents » Comment mieux évoquer l’absence ?

 Jules Breton (1827-1906)

Peintre et poète, Jules Breton fut l’un des premiers artistes du monde paysan, il est admiré par Vincent Van Gogh. En 1886, il est élu membre de l’académie des beaux-arts. La tombe est ornée d’un buste en bronze de l’écrivain en costume d’académicien. Le bas-relief situé sur la stèle le représente avec son épouse Elodie de Vigne. De chaque côté sont gravées dans la pierre une palette et une lyre symbolisant la peinture et la poésie.

Le cimetière constitue un lieu de mémoire. Destiné au recueillement et au souvenir, il fait partie du patrimoine culturel de la ville.

Nous remercions Vincent Delaveau pour ses commentaires. Puis, nous nous éparpillons, certains regagnent leurs pénates, d’autres poursuivent leur visite dans le grand cimetière, un dernier groupe prend ses quartiers au café pour le pot de l’amitié.

Texte : Joëlle et photos : Christiane et Joëlle