Visite de l’église Saint Christophe de Javel – Vendredi 14 juin 2024

15h00, notre conférencière Odile Déchelotte nous invite à pénétrer dans l’église Saint Christophe de Javel située à l’intersection des rues de la Convention et Saint Christophe. Nous sommes peu nombreux (14), les vacances sont déjà là !!!

Elle est érigée sur l’emplacement d’une ancienne chapelle bâtie au début des années 1800 afin d’offrir un lieu de culte à une population de plus en plus nombreuse, d’ouvriers, laboureurs et vignerons.  Et du fait que le quartier soit situé hors de l’enceinte de Paris, des moulins et des guinguettes s’y installent puisque les taxes ne s’appliquent pas.

Un premier développement industriel est lancé à partir de 1770 par le comte d’Artois, frère de Louis XVI.

Claude-Louis Berhollet, chimiste et médecin du duc d’Orléans savait que le blanchiment du linge sur pré était dû à l’action de l’oxygène de l’air et il chercha à reproduire artificiellement ce que faisait la nature. Il réussit l’opération grâce aux solutions chlorées (le chlore dénommé à l’époque « esprit de sel déphlogistique »)

Dans ce village de Javel, Berhollet utilisa donc l’eau de chlore pour ses propriétés blanchissantes. Les directeurs de la Manufacture, Alban et Vallet décidèrent de dissoudre le chlore dans une solution de potasse et créent la « liqueur de javel » qui devient l’eau de javel. La manufacture travaille à plein rendement pendant la Révolution. En 1875, elle emploie deux cents ouvriers. Elle disparait entre 1885 et 1889, mais elle est remplacée par les aciéries de France, les entrepôts et magasins généraux de Paris lesquels cèdent la place aux usines Citroën en 1915.

Les découvertes se succèdent : ammoniaque, cellulose et de nouvelles usines s’implantent comme une usine à gaz qui alimente les quartiers de Grenelle et de Vaugirard ou encore l’usine d’Alexandre Lefranc qui crée plus de 120 nuances de couleurs et de vernis.

Le quartier qui se nommait Beaugrenelle, devient Grenelle, aujourd’hui il a retrouvé son nom d’origine. 20 000 personnes habitent ce territoire.

Cette église est une véritable curiosité architecturale. Aussi sublime à l’intérieur qu’à l’extérieur, elle possède une particularité pour le moins inattendue :  une construction en ciment armé. Elle est l’œuvre d’un architecte visionnaire, Charles-Henri Besnard, disciple de Violet Leduc. En effet, il dépose en 1917 un brevet d’invention d’un procédé de construction rapide d’habitations par l’emploi d’éléments en béton préfabriqué produits en série. Il s’agit de panneaux de béton armé préfabriqués, moulés en usine et montés par l’entreprise Fourré et Rhodes.

Deux ans plus tard, en 1919, il présenteà l’occasion de la Foire de Paris, la toute première maison en ciment armé qu’il fait réaliser en… 11 jours !

Et pourtant, si innovante soit-elle, cette nouvelle technique ne fait pas grand bruit et l’architecte devra attendre encore quelques années avant d’impressionner ses pairs et le public. C’est en effet l’achèvement de l’Église Saint-Christophe de Javel en 1930 qui donnera à Charles-Henri Besnard et son nouveau modèle de construction l’attention qu’ils méritent.

L’église est dédiée à saint Christophe. La peinture murale du chœur, œuvre de Henri-Marcel Magne, le représente entouré de voyageurs implorant sa protection, et de moyens de locomotion modernes (train, paquebot, ballon, avion, automobile), inspirés par les industries de transport du quartier dont les usines Citroën toutes proches. Douze panneaux peints par Jac Martin-Ferrières retracent sa vie, Odile précise que l’artiste a utilisé la technique de l’encaustique, c’est-à-dire une peinture à la cire sur toile marouflée qui garantit une bonne conservation. Elle nous décrit chaque panneau représentant Christophe (prénommé Reprobus) selon la légende dorée de Jacques de Voragine.

Les vitraux d’Henri-Marcel Magne dans la nef sont des rosaces qui symbolisent la Résurrection. Le centre est rempli d’un signe religieux et des rayons jaunes en jaillissent comme la lumière divine.

L’église possède également un vitrail de Jacques Grüber et des verres moulés de Max et Jean Braemerer.

 Crucifixion de Jacques Gruber

Notre conférencière nous invite à sortir pour admirer après l’intérieur, l’extérieur de cette belle église. Elle nous fait remarquer que le clocher en brique rouge est légèrement déporté et domine le carrefour entre la rue de la convention et celle de Saint Christophe. Puis, elle nous décrit l’impressionnant fenestrage de la façade en ciment moulé avec croix, fleurs de lys et de couronnes d’épines.

 

Odile nous indique le beau bâtiment de brique jaune qui accueillait  l’imprimerie nationale et désormais le ministère des affaires étrangères et de l’Europe.

Puis, elle nous propose de nous rendre au Parc Citroën. En chemin, nous remarquons un immeuble de logements sociaux de type art déco, semblable à un paquebot avec ses hublots, rue Léontine.

Nous entrons dans le parc et nous nous installons devant les serres, Odile nous raconte l’histoire des lieux.

Le petit port de pêche du nom de Javel, où venaient canoter les plaisanciers depuis le XVe siècle, se transforme avec l’installation d’une manufacture de produits chimiques. Le comte d’Artois, futur Charles X qui doit accéder au trône en 1824, y favorise la fabrication de la fameuse eau désinfectante qui prend le nom du village. La réussite de l’eau de Javel attire de nombreux autres industriels, jusqu’à l’arrivée de l’usine de l’ingénieur André Citroën, en 1915. Spécialisé au départ dans la fabrication de munitions, une fois la paix revenue, André Citroën convertit l’usine dans la construction automobile. Alors qu’en 1919, 30 voitures sortent chaque jour de ses chaînes de montage, 5 ans plus tard, elles en produisent déjà 250. Son succès lui permit de s’agrandir et une usine flambant neuve de 55 000 m² est édifiée. Elle sera le berceau des fameuses tractions avant et de la DS. En 1958, le Conseil Municipal décida de donner le nom d’André Citroën au quai de Javel. 14 ans plus tard, la dernière DS sort des chaînes de montage. En 1976, les activités de l’usine sont transférées à Aulnay et à Rennes, seul le siège demeure au quai André-Citroën, jusqu’en 1982, date à laquelle la totalité des activités des usines Citroën quitte le lieu.

La Ville de Paris décide alors d’y créer un parc. Il est inauguré en 1992 et agrandi en 2013 en intégrant plusieurs espaces ludiques.

Les maîtres d’œuvre du parc sont les paysagistes Gilles Clément et Allain Provost et les architectes Patrick Berger, Jean-François Jodry et Jean-Paul Viguier.

Le parc descend en pente douce vers la Seine et s’étend sur 14 hectares. Il abrite une végétation luxuriante et des scénographies aquatiques. Il est parcouru, en diagonale, par une ligne droite de 800 m dont le paysage est varié : franchissement de pièces d’eau, pelouses, bambouseraie, escaliers

   

Il y a deux grandes serres, au nord-est, entourant des jets d’eau ; l’une abrite des plantes exotiques et, l’autre, des résineux et comme à Versailles, on trouve des grands bacs blancs accueillant des arbustes. Avant de repartir, nous remarquons la carcasse d’une 2 CV végétalisée, posée sur la pelouse, vestige du passé automobile du site.

 Jardin bleu                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 

Bambouseraie                                                                   2CV

Au fond, une montgolfière, plutôt un ballon, actuellement retenue au sol, permet les jours sans vent d’observer le quartier à 150 m d’altitude.

A la sortie du parc, nous nous dirigeons vers le pont Mirabeau. Sur la place éponyme, Odile nous demande de regarder un bel immeuble art déco.

La décision de construire un nouveau pont au croisement du carrefour de l’avenue de Versailles et la rue Mirabeau est prise en 1893 par le président de la République Sadi Carnot.

Il a été conçu par l’ingénieur Paul Rabel, responsable des ponts de Paris, assisté des ingénieurs Jean Résal et Amédée Alby, et construit par l’entreprise Daydé & Pill

La ville de Paris                                                                   L’Abondance

 

L’abondance                                                                             La navigation                                                                                                                                        

L’arche principale a une portée de 93 mètres et les deux arches latérales mesurent 32 mètres. Les deux piles représentent des bateaux. Celui près de la rive droite descend la Seine, tandis que celui de la rive gauche la remonte. Ces bateaux sont ornés de quatre statues allégoriques en bronze de Jean-Antoine Injalbert. Les deux allégories de proue : Paris et Abondance, font face à la Seine, tandis que les deux allégories de poupe : Navigation et Commerce, font face au pont soit, dos à la Seine. Les quatre statues sont surmontées, au niveau du parapet, des armoiries de la Ville de Paris.

Ce pont rappelle aussi le titre d’un poème très connu de Guillaume Apollinaire, Le Pont Mirabeau, que nous récitons toutes en choeur…  Sur une plaque de bronze apposée sur le parapet, on peut lire un fragment du poème.

Avant de nous séparer, un dernier coup d’œil à la station du RER en brique rouge et jaune…

Texte : Danielle et photos :  Denise & Jocelyne