Visite du quartier de la Presse, de la Poste du Louvre à la Bourse – Jeudi 6 avril 2023

Nous nous retrouvons un groupe de 20 personnes sous le porche de la Poste du Louvre avant de partir à la découverte de l’ancien Quartier de la Presse avec notre conférencier Vincent Delaveau.

Nous nous dirigeons vers une grande cour centrale à ciel ouvert située derrière le nouveau bureau postal. Celui ci ne représente plus que 700 mètres carrés sur les 32 000 antérieurement. Après cinq années de transformation, la Poste du Louvre a achevé sa métamorphose…

 

En ce début du XXIème siècle, le plus grand centre de distribution du courrier ne répondait plus aux normes liées à l’activité postale du fait de la chute de volume du courrier, l’essor des colis et surtout  la transition numérique.

La poste décide alors de rénover l’immeuble et le projet est confié à l’architecte Dominique Perrault (celui de la Grande Bibliothèque). Le bureau de poste est conservé mais il est conçu comme un lieu de vie et de services ouverts à tous, des activités nouvelles sont créées : une crèche, un commissariat de police, des boutiques, des bureaux, des logements sociaux et un hôtel 5 étoiles « Madame Rêve » avec restaurant et bar en rooftop, autrement dit « le toit terrasse » !

Désormais, on ne vient plus uniquement à la poste du Louvre pour le courrier mais elle demeure dans la mémoire des parisiens qui s’y précipitaient pour envoyer leur déclaration d’impôt avant minuit, le fameux « cachet de la poste » faisant foi.

La restructuration de l’Hôtel de la Poste a été menée en respectant la structure d’origine tout en la modernisant. Ainsi les poteaux et poutrelles métalliques de type Eiffel peints en noir mais avec quelques différences de textures (mate, satinée, lisse ou brillante) sont mis en valeur et accrochent la lumière du patio ouvert sur les rues adjacentes.

Rue Jean-Jacques Rousseau nous observons les façades extérieures en pierre de taille conservées mais modernisées avec de grandes fenêtres convexes créant des jeux de reflets.

Cette mutation réussie repose sur la réalisation de l’architecte « originel » Julien Guadet qui conçut un bâtiment à vocation industrielle comme un édifice provisoire et transformable.

En fait tout a commencé en 1757 lorsque le roi Louis XV achète l’hôtel d’Armenonville, rue Plâtrière devenue la rue Jean-Jacques Rousseau pour installer l’administration des Postes. Devenu trop exigu et insalubre un siècle plus tard, le bâtiment est démoli et remplacé par un nouvel édifice dont la construction fut confiée à l’architecte Julien Guadet (1834-1908) par le gouvernement de la IIIe République.

L’immense bâtiment inauguré le 14 juillet 1888 couvre tout un pâté de maisons et derrière sa façade de pierre se cache un fleuron de l’architecture industrielle de la fin du XIX siècle.

Sur notre gauche se tient l’Hôtel des Téléphones, dit le Central Gutenberg car il est situé le long de l’ancienne rue Gutenberg.

Curieux édifice construit en 1890 par Jean-Marie Broussard, long bâtiment avec une façade en charpente métallique dotée de grandes verrières et à chaque extrémité deux tourelles d’angle d’inspiration médiévale surmontée d’un dôme. Le revêtement de briques vernissées bleu ciel contraste avec le style haussmannien.

C’est dans ce lieu que des centaines d’opératrices « les Demoiselles du téléphone » étaient chargées de mettre en contact les correspondants.

Madeleine Campana, qui fut l’une d’elles évoque le Central dans son roman autobiographique. « Une salle immense comme la nef d’une cathédrale… Celle qui pénètre dans ce lieu saint ne voit que des dos sagement alignés. En arrière, plantée sur un bureau surélevé, la surveillante trône (…). J’écoute, j’écoute, il faut parler plus fort que sa voisine pour se faire entendre ». 

Nous poursuivons notre promenade rue Etienne Marcel puis rue de la Jussienne qui doit son nom à la chapelle Saint Marie l’Egyptienne.

Nous stationnons un moment devant la maison de l’architecte Denis Quiro, construite pour lui-même en 1752, et admirons l’abondance de son décor sculpté, cornes d’abondances, coquilles, fleurs et feuillages. Le balcon du 1er étage est doté d’un garde-corps ondulant et ceux du deuxième étage s’appuient sur des cartouches décorés de feuillages et d’espagnolettes inspirées de la Commedia Dell’arte, derrière ceux-ci de grandes baies s’ouvrent sur la façade.

Par la rue Montmartre, nous pénétrons dans l’ancien quartier de la presse situé entre Réaumur et Opéra où étaient réunis la plupart des grands journaux quotidiens à partir des années 1830.  Quittant la Rive Gauche, la presse quotidienne s’est majoritairement installée rue Jean-Jacques Rousseau à proximité de la poste centrale où transitaient les journaux étrangers, les correspondances puis les dépêches télégraphiques. De cette même poste, partaient les abonnements en direction de la province. Charles-Louis Havas établît pour un temps dans cette rue,  son agence d’information.

De nombreux métiers dépendaient de ces journaux : imprimeurs, papetiers, fabriquant d’encre, affichistes, lithographes, fondeurs de caractères.

Un détour rue Réaumur nous fait découvrir les plus beaux immeubles de cette artère parisienne. C’est à l’occasion de son percement que le premier concours de façades de la capitale a eu lieu en 1897.

Libérés de la réglementation stricte haussmannienne, les architectes expérimentent de nouvelles formes urbaines et utilisent de nouveaux matériaux comme le fer et le béton. Toutefois ils devaient répondre à un double défi : proposer une architecture originale et concevoir un bâtiment pouvant abriter du commerce en gros et du textile. Cette rue avait un objectif principalement commercial. Un musée à ciel ouvert s’étale devant nos yeux.

Certains immeubles furent aussi le siège de nombreux journaux tels l’Intransigeant, Défense de la France, Combat, France-Soir, Le Parisien libéré.

Rue du Sentier, la maison Mozart dans laquelle le compositeur séjourna avec sa mère qui y décéda, retient notre attention.

Rue du croissant, nous passons devant un jardinet clos, petit îlot de verdure apprécié par notre conférencier.

Au cours du XIXème siècle, éditeurs, imprimeurs, libraires et typographes prennent leurs quartiers dans cette rue. L’Imprimerie de la Presse s’installe dans l’hôtel particulier dit du marquis de David ou hôtel Colbert où de nombreux journaux furent imprimés.

A l’angle de la rue du sentier et de la rue Montmartre se situe l’historique Café du Croissant où fut assassiné Jean Jaurès par Raoul Villain le 31 juillet 1914 pour s’être opposé à la Première Guerre mondiale. Actuellement il porte le nom Bistrot du Croissant. Jean Jaurès fonda le journal l’Humanité en 1904 qui, après un passage rue Richelieu, sera installé rue du Sentier de 1909 à 1913.

Nous nous arrêtons devant le 144 de la rue Montmartre, siège du journal « La France » dont le nom est encore gravé sur la façade de l’immeuble construit sur l’emplacement de l’ancien cimetière Saint-Joseph dans lequel Molière fut inhumé . Sur celle-ci deux cariatides et deux atlantes personnifient le journalisme et la typographie. Fondé par Arthur de la Guerronnière, il est racheté en 1874 par Emile de Girardin, ancien fondateur de la Presse.

Emile de Girardin révolutionne en profondeur le modèle économique de la presse en ayant l’idée d’insérer la publicité dans le journal quotidien afin d’en réduire le prix et de publier des romans-feuilletons pour fidéliser ses lecteurs. A cette époque nous aurions pu suivre les aventures des Mousquetaires d’Alexandre Dumas.

A l’angle de la rue, sur la façade de l’immeuble on peut apercevoir un journal écorné et une pièce de 10 centimes qui symbolisent l’innovation d’Emile de Girardin de vendre le journal à l’unité dans les kiosques ou à la criée. Auparavant il était vendu par abonnement.

Plusieurs journaux eurent également leur siège à cet endroit comme l’Aurore de 1897 à 1914, fondé par Ernest Vaughan. Il ne doit pas être confondu avec son homonyme le journal l’Aurore fondé en 1943 et rattaché au Figaro en 1985.

Une plaque commémorative nous rappelle que dans ces locaux, Emile Zola écrivit le 13 janvier 1898 une lettre ouverte sous le célèbre titre « J’accuse » au Président de la République Félix Faure dénonçant le procès d’Alfred Dreyfus.

Quelques pas de nouveau rue Montmartre et nous empruntons la rue Brongniart jusqu’à la place de la Bourse. Nous nous frayons un chemin parmi les stands de la brocante pour trouver un emplacement afin de nous regrouper et écouter les derniers commentaires de notre conférencier.

Le Palais Brongniart est né de la volonté de Napoléon Bonaparte qui souhaitait regrouper en un seul lieu toutes les activités boursières et confia sa réalisation à l’architecte Alexandre Théodore Brongniart (1739-1813).

Aucun des deux hommes ne verra l’édifice inauguré en 1826, le premier repose à Sainte-Hélène et le second au cimetière du Père-Lachaise qu’il a conçu…C’est l’architecte Eloi Labarre qui terminera sa construction inspirée du Temple de Vespasien à Rome.

Aujourd’hui le Palais n’accueille plus la Bourse, la célèbre corbeille des courtiers ayant été remplacée par les transactions informatiques. Il est reconverti en centre de conférences et d’évènements.

Nous terminons la visite du quartier face au siège de l’Agence France Presse. La modernité de ce bâtiment en béton avec une longue façade vitrée contraste avec le style néoclassique du Palais Brongniart. L’Agence Havas créée en 1835 par le banquier Charles-Louis Havas (1783-1858) s’installe place de la Bourse en 1896.

Jusqu’en 1940, l’agence a le monopole de toutes les informations en France, puis sous l’occupation allemande, la branche information est nationalisée sous le nom d’Office Français d’Information (OFI), la branche « publicité » restant dans le domaine privé .

A la libération des journalistes résistants investissent les locaux de l’OFI, fondent l’AFP et émettent la première dépêche d’une agence libre…Aujourd’hui l’AFP est l’une des trois grandes agences mondiales d’information.

Comme souvent, nous prolongeons ce moment de partage dans un café avant nous séparer.

Texte : Joëlle EGRET – Photos : Christiane BRUNEAU & Jocelyne POULIZAC

 

 

 

 

 

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