Visite de l’Espace Niemeyer – Vendredi 23 février 2024

Le rendez-vous étant fixé à la sortie de la station de métro Colonel Fabien, nous sommes 32 à attendre Odile Déchelotte, notre conférencière.

A son arrivée, nous nous lançons à l’assaut de cet ovni qu’est le siège du Parti Communiste Français, l’est-il toujours ? Nous descendons sous l’immeuble en forme de « S »  et arrivons dans le hall de réception où Odile nous décrit les élément de la construction.

Le bâtiment repose uniquement sur cinq poteaux et semble flotter au-dessus du sol, les fondations descendent à 35 m de profondeur. il mesure un peu plus de 26 m de haut, 67 m de long et, 11,5 m de large.

On retrouve dans ce bâtiment les cinq principes de l’architecture moderne décrits par Le Corbusier dont Oscar Niemeyer fut le disciple :

  • L’utilisation de nouveaux matériaux de construction : béton, verre, acier, céramique
  • Le pilotis
  • Le plateau plan libre
  • La façade libre
  • Le toit terrasse

Les parois moulées sont intentionnellement laissées brutes, on peut même dire  brut de décoffrage.

    

Cet ensemble architectural est situé dans un quartier populaire du 19e arrondissement précise notre conférencière. La Place du Colonel Fabien, du nom d’un militant communiste et résistant, de son vrai nom Pierre Georges – détail amusant si l’on reprend la 1ère lettre de l’adresse cela donne PCF !!! – n’a pas toujours porté ce nom. De 1778 à 1945, elle était dénommée « Place du combat » en effet, des combats d’animaux sauvages ou domestiques s’y déroulaient. Les habitants ont exigé la suppression de ces combats à la fin de seconde guerre.

Avant de pénétrer sous la Coupole, salle du Conseil National du PCF, Odile nous demande si nous acceptons qu’un visiteur québécois se joigne à notre groupe, nous acquiesçons.

Elle nous précise que nous visiterons après la coupole (300 places), la salle de conférence (100 places), la salle de délégation (28 places), deux salles de réunions  (de 60 et 45 places) et le toit terrasse en fin de visite.

Salle de conférence

 

Salle de délégation                                                                                  Salle de réunion

 

Espaces de détente avec du mobilier datant des années 70

La cafetaria

Les portes de la coupole s’ouvrent automatiquement grâce à des pistons hydrauliques. Nous nous installons dans le plus grand amphithéâtre de l’Espace Niemeyer. Cet espace est modulable selon les besoins des utilisateurs, vingt-quatre rangées de tables y sont habituellement disposées mais aujourd’hui, il n’y a que les chaises. Sous le dôme, des milliers de lamelles d’acier permettent d’obtenir une acoustique et un éclairage de grande qualité.

 

Puis, notre conférencière nous résume l’histoire de la construction du siège du Parti Communiste Français.

Oscar Niemeyer est connu des dirigeants du parti en tant que militant communiste et en tant qu’architecte de renom. Il s’est vu confié d’autres réalisations en France notamment le Volcan au Havre, la bourse du travail à Bobigny… Odile nous les montre sur sa tablette

Le volcan au Havre                                                         La Bourse du travail de Bobigny

Ainsi sous l’impulsion du secrétaire général de l’époque, Waldeck Rochet qui souhaitait le regroupement des différents bâtiments du Parti dispersés dans Paris, le projet est lancé en 1966.

Construit en deux temps entre 1969 et 1980, la première tranche qui comprend l’immeuble de 6 étages, la tour technique, le hall et les deux niveaux de parking en sous-sol, s’arrête en 1971, faute de financement.

La seconde tranche se fera plus tard entre 1978 et 1980. Elle concernera le hall en pente, une partie du premier sous-sol, la coupole et l’esplanade d’entrée.

La France accueille des architectes étrangers à condition qu’ils opèrent avec des sociétés françaises. Oscar Niemeyer sera donc secondé par les architectes français : Jean Prouvé (la façade de l’immeuble, c’est lui), Jean Deroche et Paul Chemetov.

Croquis d’Oscar Niemeyer

Niemeyer l’adapte au goût brésilien où dominent les couleurs vert, jaune, bleu et les formes ondulantes. Il écrira « ce n’est pas l’angle droit qui m’attire, ni la ligne droite, dure, inflexible, inventés par l’homme. Seule m’attire la courbe libre et sensuelle, la courbe que je rencontre dans les montagnes de mon pays, dans le cours sinueux de ses rivières, dans les nuages du ciel, dans le corps de la femme préférée. De courbes est fait l’univers, l’univers courbe d’ Einstein ».

Autre déclaration de l’homme engagé : « l’architecture est une question secondaire, et doit être guidée par la lutte politique ».

Oscar Niemeyer de son nom complet Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares est né le 15 décembre et décédé le 5 décembre 2012 à l’âge de 105 ans à Rio de Janeiro.

En 1929, il entre à l’école des beaux-arts de Rio de Janeiro et en sort, en 1934, un diplôme d’architecte en poche. Stagiaire dans l’agence de Lucio Costa, iI participera en 1936 à la réalisation du ministère de l’éducation et de la santé au Brésil avec Le Corbusier, son inspirateur.

En 1955, Juscelino Kubitschek devient Président de la République du Brésil, il décide de confier la construction de la nouvelle capitale Brasilia à Lucio Costa pour l’urbanisme et à Oscar Niemeyer pour l’édification des bâtiments publics. Là encore, Odile Déchelotte nous montre sur sa tablette différents édifices construits par Niemeyer au Brésil : la cathédrale de Brasilia, le musée d’art contemporain de Niteroi (véritable soucoupe volante), le casino de Madère à Funchal…

La cathédrale de Brasilia                                                          Le musée d’art contemporain de Niteroi

En 1964, les militaires prennent le pouvoir au Brésil,  Niemeyer fait le choix de s’exiler pour sa sécurité et s’installe à Paris.

En 1977, Oscar Niemeyer est élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur à quelques jours de son 100e anniversaire par l’ambassadeur de France au Brésil, Antoine Pouilliente.

2002, les résultats du PCF aux élections (4%) rendent difficile l’entretien du complexe immobilier. Consciente de l’importance architecturale du bâtiment et face à ce déclin électoral, Marie-George Buffet décide d’ouvrir les portes du siège à la visite, à la location de bureaux (plus de 3 000 m2) et d’espaces pour des manifestations privées.

Le siège du Parti communiste français est alors classé au titre des monuments historiques, le 26 avril 2007.

L’un des premiers à louer le bâtiment est l’italien Prada qui y organise le premier défilé de mode en 2000 soulevant quelques remous au sein du parti. La demande s’accélére, d’autres couturiers comme Jean-Paul Gaultier ou Stella McCartney et bien d’autres défileront lors de la fashion Week.

En 2012, le film «de l’autre côté du périph » plante son décor dans une réunion politique dans la salle du  Conseil National du Parti Communiste Français. Des chanteurs : Souchon, Angèle, des marques de luxe loueront des espaces pour des prises de vue.

Grâce à cette nouvelle politique de gestion, le siège du Parti communiste français, désormais dénommé Espace Niemeyer, ce chef d’œuvre d’architecture moderne est toujours la propriété du Parti.

Après la visite des sous-sols, nous prenons l’ascenseur jusqu’au 6e étage sous la conduite du préposé aux visites de l’association Niemeyer puis grimpons un escalier en colimaçon proche de l’ancien restaurant d’entreprise aux superbes mosaïques bleues.

Nous débarquons sur le toit terrasse. Le « préposé » nous recommande de ne pas aller sur la gauche de la terrasse pour ne pas effrayer les abeilles. En effet, des ruches y sont installées depuis 2016 à l’initiative de Pierre Laurent, ancien secrétaire général.

Hélas, une averse contraint le groupe à se mettre à l’abri mais le soleil réapparait après quelques minutes et la vue sur Paris est magnifique. Les contrastes de couleurs sont saisissants : le Sacré Cœur, la tour Eiffel,  le quartier de la  Défense sont dans un halo de lumière.

 

En nous déplaçant, nous admirons le dôme des Invalides, la nouvelle flèche de Notre-Dame, les tours Duo de Jean Nouvel…

Cette fin de visite est particulièrement agréable.

Texte : Nadine LEBLAY-FRELAT – Photos :  Christiane BRUNEAU et Jocelyne POULIZAC