Goûter « gourmand » au Pied de Cochon – Mardi 11 janvier 2022

Nous nous retrouvons devant la brasserie à 27 malgré la pandémie galopante du variant Omicron. Nous en profitons pour souhaiter un bon rétablissement à Paulette Saintilan touchée par ce virus ce qui a contraint Joëlle et Bernadette, cas contacts, à s’isoler et à renoncer à la sortie.

A son arrivée, notre conférencier, Gonzague de Brunhoff (petit-neveu de Jean de Brunhoff, créateur de Babar) fait une brève introduction sur le site des Halles, le plus grand marché d’Europe depuis plusieurs siècles, en témoigne l’imposante église Saint Eustache et la halle au blé devenue bourse du commerce et actuel musée Pinault. Nous pénétrons dans l’établissement, notre guide nous montre les poignées de portes en cuivre : des pieds de cochon. Les cochons que l’on trouve partout même sur la moquette..

Avant la conférence, le personnel de la brasserie nous sert boissons chaudes : café, thé et chocolat accompagnées d’excellentes pâtisseries dont une meringue « cochon » dans l’assiette. 

  

Nous remettons nos masques et Gonzague de Brunhoff prend la parole. Il rappelle que depuis 1946, ce restaurant des Halles s’impose comme le témoin immuable du vieux Paris. A la fois, institution populaire et lieu privilégié de diverses célébrités, le Pied de Cochon fut de tout temps un lieu de fête où se mêlait une clientèle hétéroclite.

La paix revenue à la suite de la seconde guerre mondiale, Clément Blanc a la brillante intuition d’ouvrir l’établissement 24 heures sur 24. Début 1946, il obtient l’autorisation d’ouvrir toute la nuit… Le Pied de Cochon est donc le premier établissement parisien dont les portes restent ouvertes les 365 jours de l’année. La route semblait toute tracée pour ce restaurant mythique, mais une épreuve va assombrir le tableau, le déménagement des Halles à Rungis. Contre vents et marées, Clément Blanc décide de rester. En 1972, s’amorce alors une longue période de travaux en vue de la construction de l’actuel Forum des Halles et de l’aménagement des gares souterraines du RER et du métro. Le quartier connait un véritable vide et Le Pied de Cochon, des années de vaches maigres. Malgré tout, la brasserie continue d’attirer de nombreuses personnalités et des noctambules venus se régaler d’une soupe à l’oignon après un spectacle. En 1977, Jacques Chirac, alors Maire de Paris, devient un habitué des lieux. Une période de renouveau s’amorce en 1980 à l’ouverture du Forum des Halles. S’ensuit une nuit mémorable celle du 10 mai 1981, François Mitterrand, élu Président de la République décide de fêter sa victoire au Pied de Cochon. Il y prit très vite ses habitudes et vint régulièrement avec sa fille Mazarine.

Clément Blanc a donc eu deux bonnes idées. La première, comme d’autres à l’époque, l’ouverture 24 heures sur 24, le marché des Halles se déroulant la nuit. Et la clientèle a faim et soif au petit matin. Nombre d’établissements accueillent donc ces travailleurs à peu près à toute heure du jour et de la nuit. C’est un temps où les bouchers arrivent fréquemment avec leur morceau de viande à faire cuire, les vendeurs de légumes avec une caisse de champignons ou de choux-fleurs. L’autre idée de Clément Blanc, c’est d’avoir mis à sa carte un morceau oublié, délaissé que beaucoup de bouchers ne vendent même pas : le pied de cochon, c’est l’origine du nom de l’établissement.

En 1990, le Pied de Cochon confie sa décoration à un groupe d’étudiants des Beaux-Arts. Des fresques où figure un petit cochon caché dans chacune d’elles, nous nous sommes amusés à le trouver.

Aujourd’hui, le Pied de cochon appartenant au groupe Bertrand est dirigé par José Dufour, trois salles de réception et trois cuisines accueillent 500 clients environ par jour, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 comme lors de sa création. Seules exceptions : en 2015, lors des attentats et durant le confinement de 2021, l’établissement ferme deux fois en 75 ans. Le menu est resté sensiblement le même, une déclinaison de cochon : salade Saint Antoine, pied de cochon grillé, oreilles grillées, et la fameuse « tentation de Saint Antoine ». Notre conférencier rappelle que tout est bon dans le cochon !!! A ce moment-là, Bernard Launay acquiesce en évoquant la récente et première greffe de cœur de porc génétiquement modifié, implanté à un humain aux Etats-Unis, déclenchant l’hilarité générale. Le Pied de Cochon est surtout fréquenté par les étrangers, un sur cinq vient à Paris pour y manger, les russes y sont nombreux. Le menu est décliné en six langues. Le show biz y est présent à toutes les époques  : Depardieu, la famille Chédid, Aznavour, Belmondo, Maria Callas, Lisa Minelli… au rez-de-chaussée, chaque habitué peut retrouver son nom sur une plaque gravée. 

Notre guide revient sur le développement de nouveaux endroits tels que cabarets, bouillons et restaurants. Les cabarets sont fréquentés par des amis poètes au XVIe et XVIIe siècles. Rabelais et les poètes de la pléiade à la Pomme de Pin, Racine au Mouton Blanc, Molière et Boileau se moquent de la cour de Louis XIV à la Croix Blanche. A cette époque, le vin coule « à flots » 2 à 3 litres par jour et par individu, le vin est moins alcoolisé qu’aujourd’hui et surtout moins dangereux que l’eau.

 Hôtel RITZ

(issu de la transformation des Hôtels de Grammont et Crozat)

Après la Révolution, les cuisiniers des grandes maisons désormais sans maitre vont ouvrir des restaurants dans les anciens hôtels particuliers comme Auguste Escoffier qui prend la direction du Ritz.

   

Bouillon DUVAL                                                                                                                                Bouillon CHARTIER

Quant à l’émergence du bouillon, on le doit à Pierre-Louis Duval, boucher renommé des Halles. Fournisseur de la table impériale aux Tuileries, il crée, sous le 2e empire, le concept de restaurants « bouillon » à Paris, à partir de 1860. Pour limiter ses pertes et augmenter ses bénéfices, il propose les morceaux moins nobles à une clientèle moins fortunée : les travailleurs et ouvriers au 15 de la rue Coquillière à proximité de sa boucherie. A partir de 1896, les frères Frédéric et Camille Chartier s’inspirent du concept des bouillons Duval et concurrenceront leurs établissements. Tous les bouillons d’origine ont une salle décorée de style Art nouveau car désormais, tous les arts sont conviés autour de la table. Les guides de savoir se tenir à table fleurissent aussi. Certains éléments de table apparaissent, ainsi Catherine de Médicis ramène la fourchette d’Italie et très utile lorsqu’on porte la « fraise ».

En 1786, le pharmacien-agronome Auguste Parmentier se rend à Versailles pour offrir à Louis XVI les premières fleurs de pommes de terre cultivées dans la plaine des Sablons à Neuilly pour le remercier de l’avoir autorisé à les cultiver. Le roi détachera une fleur pour la mettre à sa boutonnière. La ruse de Parmentier afin d’inciter les français à consommer la pomme de terre va consister à faire garder les champs la journée et laisser ceux-ci sans surveillance la nuit, facilitant le vol des tubercules. Les plats patriotiques d’Alsace et de Lorraine sont à la mode. De même, les expositions coloniales font connaitre des plats exotiques comme le couscous.

Puis Gonzague de Brunhoff retrace l’historique des halles de Paris. Le marché principal de Paris a changé de place plusieurs fois, pour suivre l’évolution démographique et la croissance rapide de la ville. Le premier marché animait le cœur de l’île de la Cité, puis il s’implanta de l’autre côté de la Seine, en plein air, sur la terre battue, place de Grève, l’actuelle place de l’Hôtel-de-Ville jusqu’au XIIe siècle.

En 1137, Louis VI le Gros ordonne le transfert des deux marchés celui de l’île de la Cité et le marché central de la place de Grève vers le centre de Paris, au lieu-dit Les Champeaux y faisant construire une grande halle au croisement stratégique de trois voies importantes, les rues Saint-Denis, Montmartre et Saint-Honoré.

Fontaine  des Innocents jadis et aujourd’hui.

A la Renaissance, François Ier décide la reconstruction des Halles en installant une galerie couverte et des murs d’enceinte.

Les halles resteront jusqu’à la deuxième moitié du XVIIIe siècle à leur emplacement du Moyen-Âge sur une surface restreinte.

Le Marché des Innocents sera inauguré le 24 février 1789 à l’emplacement de l’ancien cimetière des Innocents dont la destruction s’avère plus que nécessaire, l’amoncellement de cadavres atteignant plus de 2 mètres.

Napoléon Ier réglemente l’abattage des animaux par l’établissement de cinq abattoirs à la périphérie de la ville et entreprend une réorganisation cohérente des marchés couverts. En 1811, il fait construire une halle centrale entre le marché des Innocents et la Halle aux blés. La chute de l’Empire en 1815 retarde la poursuite du projet.

Le préfet Rambuteau crée la Commission des Halles, qui a pour mission d’étudier l’intérêt de garder les Halles à leur emplacement ou bien de les déplacer.

Plusieurs projets sont présentés de 1841 à 1851. En 1848, un concours d’architecture est lancé et remporté par Victor Baltard.

Dans un premier temps, un premier pavillon en pierre est construit en septembre 1851 en face de l’église Saint-Eustache. Il est vite surnommé « le Fort de la Halle » en raison de son caractère massif. À la suite d’une visite le 12 juin 1853, Napoléon III demande l’arrêt des travaux et l’adoption d’un système de construction en métal « toujours du fer encore du fer. »

En 1854, après bien des tâtonnements et des hésitations, Victor Baltard présente son projet définitif. Il projette d’édifier douze pavillons recouverts de parois en verre et des colonnettes en fonte. Les premiers pavillons sont ouverts en 1857, les autres en 1858, 1860 et 1874.

En 1950, les Halles semblent condamnées à une mort par asphyxie à plus ou moins brève échéance. Les trafics étaient en régression dans certains secteurs, des circuits nouveaux se créaient hors des Halles à proximité des gares, ou à la périphérie de l’agglomération parisienne ou encore directement à partir des lieux de production. Quand en 1953, le gouvernement décide  de créer une chaine de marchés d’intérêt national, le problème des Halles de Paris revient à l’ordre du jour.

Le 14 mars 1960, le transfert du marché des Halles à Rungis et à la Villette est décidé.

En 1968, les premiers projets d’aménagement sont repoussés par le Conseil de Paris. La surface de rénovation est réduite de 32 à 15 hectares, le reste fera l’objet d’une réhabilitation. Un aménagement souterrain est envisagé.

Début 1969, le transfert du marché vers Rungis et La Villette s’effectue et concerne 20 000 personnes, 1 000 entreprise de gros, 10 000 m3 de matériel, 5 000 tonnes de marchandises et 1 500 camions. Les 3 et 4 mars, le marché de Rungis ouvre officiellement ses portes.

En 1971, la démolition des six premiers pavillons situé à l’est de la rue Baltard commence pour permettre la construction de la gare RER et du Forum. 

 

Nogent sur Marne                                                                                                                                                          Yokohama

En 1973, la démolition des pavillons Baltard est complètement terminée. Deux d’entre eux seront préservés : le n° 8 qui abritait  le marché aux oeufs et à la volaille est démonté et reconstruit à Nogent-sur- Marne pour y abriter une salle de spectacle baptisée « Pavillon Baltard » et un second est installé dans le parc Harbor View Park de la ville de Yokohama au Japon qui ne reprend que la partie haute de la structure originale en fonte.

Le 15 décembre 2004, le maire de Paris, Bertrand Delanoë annonce le choix de la commission d’appel d’offres pour le réaménagement des Halles de Paris. L’architecte et urbaniste français David Mangin remporte le concours, mais ce choix déclenche une polémique telle qu’un concours international devra être organisé. En 2007, les architectes français Patrick Berger et Jacques Anziutti gagnent le projet du futur « carreau des Halles » avec la Canopée.

Gonzague de Brunhoff termine la conférence en lisant un court extrait du « Ventre de Paris » d’Emile Zola et, n’osant pas la chanter, nous lit également la chanson du Pied de Cochon  :                                                     

 

Texte : Jocelyne – Photos : Christiane, Joëlle et Jocelyne

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