Exposition David Hockney, a year in Normandie – Jeudi 3 février 2022

Ce jeudi 3 février, nous étions vingt à nous retrouver devant le musée de l’Orangerie situé face à la Seine et installé dans l’ancienne orangerie du Palais des Tuileries qui servait à accueillir les orangers du jardin pendant l’hiver.

Bien rodé à l’exercice, chacun d’entre nous présente son pass sanitaire, pénètre dans le musée et traverse le portique de sécurité. Le sac à main de Cécile n’échappe pas à la vigilance du contrôle et elle doit se séparer momentanément d’un minuscule canif qualifié d’Opinel par le vigile.

Rassemblés dans le hall, notre conférencière, Odile Déchelotte nous équipe de récepteurs avec oreillette afin de nous permettre d’écouter ses commentaires durant de la visite. Quelques tests… « Vous m’entendez » … Oui… Non… Oui… Quelques réglages et nous voilà fin prêts.

Un confinement, quatre saisons, la tapisserie de Bayeux, les Nymphéas de Claude Monet autant de sujets qui ont incités David Hockney à méditer et à créer.

Tout au long de cette visite, Odile Déchelotte nous livre les clefs pour appréhender cette exposition.

C’est la raison pour laquelle Odile nous invite, dans un premier temps, à pénétrer dans la « Chapelle Sixtine de l’impressionnisme » selon le peintre André Masson.

Dans cet espace conçu pour permettre « une méditation paisible » en plein cœur de ville, sont installées depuis 1927, quelques mois après la mort de Claude Monet et selon ses plans, les huit compositions des Nymphéas.

Claude Monet a offert cet ensemble à la France comme symbole de la paix le lendemain même de l’armistice du 11 novembre 1918.

Cette présentation permanente des Nymphéas a été peu fréquentée dans les années 1930. Les couples s’y donnaient rendez-vous. Ces salles furent, un temps, transformées en réserve.

Autre anecdote personnelle, notre conférencière évoque l’émotion qu’était la sienne devant les nymphéas lorsque son professeur d’art demandant à ses étudiants de le surprendre, elle s’est mise à danser au rythme des coups de pinceaux de Monet.

L’engouement pour Monet par la critique américaine des années 1950 sera le fruit de l’engagement du peintre André Masson qui saura user de sa notoriété pour redonner au Monet des Nymphéas sa place dans l’histoire de l’art.

Dans deux salles en forme d’ellipse et sur près de 100 mètres linéaires se déploie un paysage d’eau jalonné de nymphéas, de branche de saules, de reflets d’arbres et de nuages, donnant « l’illusion d’un tout sans fin, sans horizon et sans rivage » selon les termes mêmes de Monet.

Monet a peint l’évolution de son étang de Giverny en fonction de la lumière et du déroulement de la journée.

C’est le matin, l’étang est calme et immobile. Puis des nuages passent et se reflètent dans l’eau, un peu plus loin, la surface prend des reflets verts enfin la chaude lumière du soleil couchant fait rougeoyer le jardin d’eau.

Lors des bombardements de 1944, le toit de la première salle est touché ainsi que l’une des compositions « Soleil couchant » tandis que les autres restent miraculeusement intactes.

Odile attire notre attention au niveau de l’angle inférieur droit de ce tableau pour constater le non finito de cette composition inachevée.

Les pièces éclairées par la lumière du jour offrent au visiteur une vision à 360 degrés. Nous avons la sensation que le décor déborde et se poursuit hors du cadre. Rien n’arrête notre regard, notre promenade est aussi fluide que l’eau du bassin, Monet a réussi à nous immerger dans son jardin.

Dans la Rotonde, trois œuvres peintes sur IPad par David Hockney au cours de l’été 2021, imprimées sur papier et montées sur aluminium sont présentées et permettent d’appréhender la technique employée par l’artiste.

 Nénuphars dans l’étang avec pot de fleurs

La Dorette suit son cours

 La pluie sur l’étang.

Réalisées en assemblant six ou huit morceaux du sujet entier, à la manière du châssis d’une fenêtre, elles représentent de jolis paysages où l’eau, les arbres, voire la pluie sont présents.

Nous descendons au niveau inférieur, face à nous, un grand polyptyque de Joan Mitchell « the Good bye door » nous interpelle, œuvre de l’artiste américaine installée dès 1967 à Vétheuil, non loin de Giverny, sur les terres de Monet.

Mais quel peut bien être le rapport entre cette huile sur toile créée en 1980 et les Nymphéas de Monet qui ont été peints près de soixante années plus tôt ?

Pour le découvrir, il faut d’abord regarder les couleurs. Sur les deux panneaux extérieurs, on voit quatre couleurs différentes : du noir, du bleu, du vert et du blanc. Sur les deux panneaux centraux, en revanche il n’y en a plus que trois car le vert a disparu.

Le bleu et le vert sont deux couleurs très présentes dans les Nymphéas de Monet : elles représentent à la fois l’eau du bassin ainsi que la végétation qui l’entoure de part et d’autre.

Cette peinture abstraite, claire, animée de grandes touches vertes et bleues et évocatrice d’une échappée sur un jardin forme un écho visuel fort avec les Nymphéas.

Quelques pas encore et nous découvrons une frise longue de 90 mètres sur 1 mètre de haut qui occupe la majeure partie de la galerie du musée.

L’artiste britannique David Hockney, 84 ans, l’un des peintres contemporains les plus cotés au monde expose une fresque composée de 220 dessins. A year in Normandie est une ode à la vie et aux quatre saisons en Normandie.

David Hockney s’est essayé à plusieurs pratiques de la peinture et de l’art. De la peinture à l’huile à l’acrylique, de la photographie aux Polaroïds, du fax à l’ordinateur et depuis 2010 l’IPad et une imprimante.

Décrié lors de l’exposition de ses premières œuvres réalisées à l’aide d’un écran numérique et d’un stylet, il est aujourd’hui admiré pour avoir exploré cette possibilité offerte par la technologie.

C’est sans doute l’un des peintres les plus innovants, il résout ce que Monet cherchait désespérément : la saisie instantanée d’un motif.

En 2019, David Hockney, s’installe en Normandie dans le pays d’Auge, à Rumesnil, tout près de Beuvron-en-Auge.

Au début de l’année 2020, il entreprend de peindre l’arrivée du printemps sous forme d’un cycle narratif, à la manière de la célèbre Tapisserie de la Reine Mathilde conservée au musée de Bayeux qu’il a visité plusieurs fois.

Voyage d’inspection dans le sud de l’empereur Xangxi

Fasciné par la technique des peintures chinoises en rouleaux, c’est l’absence de perspective et d’ombre qui l’a intrigué dans la tapisserie et sa capacité à raconter une histoire en image.

C’est alors que le confinement est décrété le 17 mars 2020. Hockney en est quitte pour peindre une année entière avec son IPad.

Il nous invite ainsi à une balade bucolique dans sa propriété normande et dans la campagne environnante au rythme des saisons.

Ainsi se succèdent les arbres en fleurs du printemps, le bleu clair perçant de l’été, les couleurs chaudes de l’automne puis l’hiver et la neige installée.

Les effets de couleurs et les changements climatiques sont capturés avec une palette vive et lumineuse, un peu à la manière des impressionnistes.

Malgré l’absence d’ombre en général et le choix d’écraser la perspective rien n’est figé ni plat dans cet univers doux et pop à la fois.

Il attendait l’hiver avec la neige. Enfin elle est arrivée en janvier 2021. « Ce jour-là, dit-il la lumière n’est pas apparue avant 8h30, vers 9h15 je me suis dit que j’allais rester au lit mais soudain il s’est mis à neiger sur les branches ; l’après-midi tout avait disparu. »

La frise est complétée par une vidéo d’une minute inspirée de la maxime de François de La Rochefoucauld : « Souvenez-vous le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement ».

Un soleil de couleur pop vient irradier la campagne endormie et crever l’écran.

Proposition de méditation sur l’acte de créer, la beauté et la mort.

 

 

 

Ce fut une opportunité de voir l’impressionnisme en juxtaposition avec l’art moderne. Des styles très différents mais des approches qui ont des ressemblances.

 

Texte : Joëlle Egret  –  Photos : Christiane Bruneau & Jocelyne Poulizac

 

 

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