Exposition Morozov – Jeudi 27 janvier 2022

Quinze inscrits à la visite de l’exposition Morozov mais une nouvelle fois, la covid s’est invitée, deux d’entre nous n’ont pu nous rejoindre. Fort heureusement, ils sont guéris et la forte affluence nous a permis de proposer leurs billets à la revente.

Devenue célèbre pour le cycle “Icônes de l’art moderne” dédié aux plus grands collectionneurs et mécènes pionniers avec Chtchoukine – exposition que nous avions visitée le 10 février 2017 – la fondation Louis Vuitton présente aujourd’hui le second volet avec la collection des Morozov.

 Denise et Simone en 2017

 Constituée entre la fin du XIXe siècle et au début du XXe par les frères Mikhail et Ivan Morozov, la collection présente plus de 200 chefs-d’œuvre français et russes. Proches des artistes novateurs et influents de leur temps, les deux mécènes moscovites s’entourent d’abord de la peinture russe : école russe, mouvements tels que les ambulants, impressionnistes, postimpressionnistes comme Vroubel, Korovine, Golovine, Sérov, Repine, Malevitch, Machkov, Sarian…

Puis ils s’intéressent à la scène artistique parisienne et collectionnent  Manet, Monet, Pissarro, Renoir, Degas, Cézanne et de Gauguin à Van Gogh, Bonnard, Denis, Matisse, Toulouse-Lautrec, Rodin, Claudel, Maillol.

Après la mort prématurée de son frère Mikhail à l’âge de 33 ans, Ivan Morozov va poursuivre l’œuvre commencée par Mikhail. Visionnaire et sur les conseils de marchands d’art parisiens tels Durand-Ruel, Vollard, Bernheim… il achète des œuvres de Gauguin et de Van Gogh très décriés contribuant à la reconnaissance internationale de ces deux artistes. Il se passionne aussi pour Cézanne et découvre Bonnard et Denis.

Dans son hôtel particulier de Moscou, le rez-de-chaussée est consacré aux artistes russes et le premier aux peintres français. Il parachève la transformation de l’édifice en commandant deux ensembles décoratifs d’envergures : « L’histoire de Psyché » pour le salon de musique (partiellement reconstitué dans la galerie n°10) à Maurice Denis et l’autre ensemble, à Pierre Bonnard pour le palier de l’escalier d’apparat « La Méditerranée » installée dans la galerie n°1.

La méditerranée de P. Bonnard

L’histoire de Psyché par M. Denis

Hôtel particulier des Morozov à Moscou

                      Escalier d’apparat                                                                                                                      Salon de musique

La collection des frères Morozov est déployée dans l’ensemble du bâtiment de Franck Gehry, l’architecte dans onze galeries regroupant autant de tableaux de peintres français que russes. Il est donc impossible de les analyser tous. Aussi, je prends le parti pris de n’évoquer que mes coups de cœur ou les œuvres les plus surprenantes.

Dans la galerie n°2, « ils sont venus, ils sont tous là… » comme dans la chanson d’Aznavour : les deux frères, leur mère Varvara Morozova, leurs épouses Margarita Morozova, femme de Mikhail, leur fils Mika, Yevdokiya Morozova, femme d’Ivan, le cousin Alexis…  Sont aussi présents les amis artistes et ceux du monde de l’industrie comme Serguei Chtchoukine ou Pavel Trétiakov…

La mère Varvara Morozova (Konstantine Makovski)

Mikhaïl, sa femme Margarita et leur fils Mika (Serov)

Ivan et sa femme Yevdokiya (Serov)

 

Cousin Alexis par Valentin Sérov     Mikhaïl Vroubel, peintre et ami (autoportrait)    Sergueï Chtchoukine industriel et ami (Dimitri Melkinov)

« Des nus dans l’atelier » –  galerie n°11 : deuxième coup de cœur. Fait rarissime pour la Russie de l’époque car le nu renvoie à l’interdit et à la prostitution, les Morozov consacrent cependant au genre de nombreux dessins, sculptures et peintures. Mon choix « Nu » de Charles, François, Prosper Guérin, admirateur de Monet et de Renoir, l’artiste prend à son compte la technique des impressionnistes et l’applique à son propre style avec une utilisation inhabituelle des couleurs primaires plus fortes.

Nu de Guérin

Les baigneurs de Cézanne                                                                                                               Le miroir au dessus de l’évier de Bonnard

Bronzes de Rodin et Claudel

Troisième coup de cœur dans la galerie n°1 « de la nature des choses ». Grands amateurs de paysages, les deux frères, formés précocement par leur mère Varvara, sont des adeptes des impressionnistes et des paysagistes russes comme Konstantine Korovine avec son tableau « en barque ». Peintre postimpressionniste et décorateur de théâtre, il rompt avec le style sévère et réaliste des Ambulants. Le jeune homme lit à haute voix et la jeune fille l’écoute attentivement. Le but de Korovine est de mettre en avant l’atmosphère d’un lieu et d’un moment grâce à sa maitrise de la couleur.

 En barque de Korovine

Dans la galerie n°5, consacrée très largement à Cézanne, un autre coup de cœur : « Paysage, Montagne Sainte Victoire »

Ivan Morozov a une véritable fascination pour les œuvres de Paul Cézanne. Il réunit dix huit toiles. Le tableau représente le sujet favori du peintre, la montagne Sainte Victoire. Un chaud froid, des couleurs complémentaires : les tons froids, le vert des arbres, les tons chauds derrière, l’orange et le rouge des blocs de rochers. Cézanne crée un effet de perspective à l’intérieur de l’œuvre en jouant donc avec les couleurs et les formes ce qui amène le regard au milieu de la composition.

Consacrée à Van Gogh, la galerie n°7 expose mon œuvre coup de cœur « La mer aux Saintes Maries ».

Son séjour dans le midi est une étape importante dans l’œuvre de Vincent Van Gogh. Il écrira « maintenant que j’ai vu la mer ici, je ressens tout à fait l’importance qu’il y a à rester dans le Midi et de sentir qu’il faut encore outrer la couleur davantage. Aussi ai-je la conviction que par un long séjour ici, je dégagerai ma personnalité ».

Dans le tableau, le bleu vert laisse la place à une grande variété de tons où le jaune et le bleu se répondent, les voiles sont jaunes et blanches. L’ensemble est dynamique, les touches nombreuses et resserrées, la mer vibre. Une grande activité règne sur cette mer où une douzaine de bateaux naviguent. Au premier rang, les deux bateaux semblent faire une course de vitesse.

En sortant de cette galerie, une toile de Van Gogh surprenante « la ronde des prisonniers », est exposée dans une toute petite salle. L’artiste est interné volontairement à Saint Rémy et pour s’échapper mentalement, il s’inspire du dessin de Gustave Doré « Newgate » et le reproduit à sa façon. L’homme au centre, bras ballants à la chevelure rousse n’est autre que lui. La scénographie choisie pour la commissaire de l’exposition ajoute au sentiment d’enfermement : la longue file d’attente à l’entrée (5 à 10 minutes environ), l’étroitesse des lieux et le faible éclairage.

Pour terminer le parcours dans la galerie n°3 qui regroupe des peintures de Henri Matisse, le coup de cœur va vers le triptyque marocain. C’est grâce à Chtchoukine qu’Ivan découvre l’atelier de Matisse. Il lui passe commande de ces trois toiles, qu’il n’honorera que deux ans plus tard.

Cette œuvre associe paysage, figure et architecture. Dominée par le bleu, elle apparait comme un manifeste du style Matisse entre simplification des formes et construction par aplats colorés.

Reprenant l’un de ses thèmes favoris « la vue de la fenêtre », la première toile dévoile la rue tangéroise vue depuis l’atelier que l’artiste a aménagé dans sa chambre (la porte de la Casbah). Sur la toile centrale,  Zorah agenouillée sur un tapis dans le coin ombragé de la terrasse semble flotter.

Les trois scènes présentent un aspect presque irréel par leur forme simplifiée et les couleurs pures. Les tonalités de bleu dominent oscillant entre l’outremer et le turquoise.

Pour conclure, je dirais que cette exposition est l’exposition de tous les superlatifs : époustouflante, magnifique, inédite, fantastique.

Texte et photos : Jocelyne Poulizac

 

 

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