Promenade dans le Paris criminel du Louvre au Marais – Mercredi 19 janvier 2022

Nous étions 26 amicafiens par cette journée brumeuse pour affronter le Paris criminel glauque et morbide du Louvre au Marais.

Nous quittons le métro Louvre et rejoignons le carrefour des rues Saint Honoré et de l’Arbre Sec.

Cet endroit autrefois nommé la place de La Croix du Trahoir (mot qui signifie tiroir, lieu où l’on tirait les étoffes), comprenait une fontaine.

Première fontaine construite par Jean Goujon en 1529, elle fut déplacée en 1636 et reconstruite en 1775 par l’architecte Soufflot : elle alimentait les services du Palais Royal et les hôtels des ministres.

Cette place était un lieu d’exécution jusqu’en 1737, on y coupait les oreilles des serviteurs indélicats et la croix devait favoriser les dernières prières des condamnés.

Puis, nous empruntons la rue des Bourdonnais pour s’enfoncer dans l’impasse du même nom. Antérieurement appelée Fosse aux Chiens ou Fosse aux Chieurs, elle servait de dépôt de boues, de charognes et de marché aux porcs – clin d’œil au restaurant au Pied de cochon -. On y procédait à des exécutions de sorcières brûlées vives et de faux-monnayeurs par ébouillantage.

La rue Saint Honoré se prolonge en rue des Halles, nous la suivons, pour aboutir sur une charmante petite place, la place Sainte Opportune où commence la rue Courtalon.

Dans une maison de cette rue se déroula une étrange affaire : 26 jeunes y disparurent en 1684. La rumeur courut qu’une princesse avait besoin de prendre des bains de sang humain pour soigner une maladie incurable.

Finalement, la police arrêta la bande de malfaiteurs ainsi qu’une jeune femme laquelle se faisait passer pour la fille d’un prince polonais. D’une très grande beauté, elle attirait les jeunes hommes dans cette maison et là ses complices les assassinaient.

Desséchées et embaumées, les têtes étaient emmenées en Allemagne pour servir à des recherches phrénologiques (études des rapports entre l’intelligence, le caractère et la conformation du crâne) et les corps vendus à des étudiants en médecine.

La fausse princesse et ses complices furent pendus.

Quelques pas dans la rue Saint Denis et nous arrivons dans la courte rue de la Ferronnerie, célèbre pour avoir été le témoin de l’assassinat d’Henri IV.

Rendue très étroite suite à l’augmentation des boutiques occasionnée par l’activité des ferrons (marchands de fer), cela facilita la tâche de Ravaillac.

Le 14 mai 1610, Henri IV quitte le Louvre pour se rendre à l’Arsenal voir Sully souffrant. Son carrosse traverse la rue Saint Honoré et la rue de la Croix du Trahoir puis en arrivant rue de la Ferronnerie, il est stoppé par un chariot de vin et une charrette de foin. Pour gagner du temps, les valets et l’escorte royale coupent par le cimetière des Innocents pour attendre le cortège dans la rue Saint Denis. Ravaillac, posté en embuscade près de la boutique du « Cœur couronné d’une flèche » à la hauteur du numéro 11, monte sur une borne, puis sur une roue du carrosse et frappe le roi de trois coups de couteau dérobé à « l’Auberge des Pigeons » en face de l’église Saint Roch. Ravaillac fut écartelé en place de Grève.

Nous passons ensuite sous les arcades de la rue des Innocents où se trouvait le cimetière du même nom.

La règle romaine d’inhumer les morts à l’extérieur des villes et d’ériger des tombeaux en bordure des grandes voies d’accès est en usage jusqu’au Xe siècle.

C’est le long du chemin qui conduisait à Saint Denis que fut ouvert à cette époque, hors de Paris, le grand cimetière devenu nécessaire à l’agglomération parisienne. Cimetière de toutes les paroisses de Paris qui n’en comptaient pas (soit près de 22 églises), les morts de l’hôtel-Dieu, les pestiférés (50 000 décès en 5 semaines en 1418), les inconnus de la morgue et les personnes trouvées mortes sur la voie publique.

Ces inhumations avaient lieu dans une vaste fosse commune pouvant contenir 1 500 corps superposés. La légende voulait que la terre du cimetière excellente « mange son cadavre » en neuf jours. Ainsi, des évêques inhumés eux dans les églises demandèrent qu’on mette dans leurs cercueils un peu de terre du cimetière des Innocents.

Nous continuons dans la rue Saint Denis et contournons le Centre Pompidou pour aller dans la rue Berger toujours très fréquentée.

Nous traversons le Boulevard Sébastopol, changeons d’arrondissement et entrons dans la rue Aubry le Boucher.

Dans cette rue s’est déroulée une affaire illustrant les aléas de la justice : le Sieur Liabeuf (officiellement ouvrier cordonnier) était recherché pour proxénétisme et résistait à la police qui tentait de l’appréhender dans cette rue. Un policier fut tué, six autres blessés.

Aux assises, il affirma qu’il n’était pas souteneur et préférait la guillotine, réservée aux assassins plutôt qu’une condamnation pour proxénétisme qu’il trouvait ignominieuse. Il fut guillotiné le 30 juin 1910.

     

Nous atteignons la rue Quincampoix. Jusqu’à la moitié du XIXe siècle, ces quartiers n’étaient qu’un entrelacs de ruelles sombres, boueuses, sans trottoir, ni pavé. Elles avaient l’aspect de basses-cours et tous les animaux  de la ferme s’y donnaient rendez-vous en toute liberté.

Ces rues portaient des noms bien évocateurs tels que : Trou-Punais, Pet-au-Diable, Fosse-aux-Chiens. Heureusement, ces rues ont été débaptisées !!

Le cabaret de l’Épée de Bois au 54, rue Quincampoix reste lié au meurtre de Lacroix perpétré par le comte de Horn. La victime s’était enrichie dans les manipulations financières en rapport avec le « système » de Law (le papier remplace la monnaie). Le scandale fut considérable en raison de la personnalité du comte Antoine de Horn, frère d’un prince allemand et surtout parent du régent Philippe d’Orléans qui gouvernait la France. Le vendredi Saint 20 mars 1720 : de Horn, accompagné d’un gentilhomme piémontais dénommé Demiles, y rencontrèrent Lacroix soi-disant pour parler affaires. Les trois hommes s’installèrent au 1er étage tandis que quelqu’un faisait le guet dans la rue. Horn et Demiles tuèrent Lacroix. Mais un valet alerta la garde qui les arrêta. Des nobles tentèrent d’influencer Philippe d’Orléans quant au jugement. Ce dernier répondit : « Quand j’ai du mauvais sang, je me le fais tirer ». Ils furent roués le 26 mars 1720 en Place de Grève.

Nous marchons jusqu’ au numéro 79 de la rue Beaubourg, auparavant appelée rue Transnonnain, cette inscription y est toujours gravée.

Trousse-nonnain, puis Trace-putain décrivaient également certaines activités du quartier !!!

Les 13 et 14 avril 1834, journées insurrectionnelles et de massacres : près d’une barricade dans la rue Transnonnain, un capitaine d’infanterie fut apparemment blessé par un coup de feu tiré depuis une fenêtre. En représailles, douze sur les cinquante occupants de l’immeuble d’où le tir serait parti, furent massacrés par les militaires. Les autres occupants furent également violentés.

Nous revenons sur nos pas pour rejoindre la rue Rambuteau,  cette rue très vivante, animée de nombreux commerces change de nom et devient la rue des Francs-Bourgeois.

L’impasse des Arbalétriers débute au 38 de la rue des Francs-Bourgeois et se termine en impasse avec pavés disjoints, deux corps de logis en encorbellement datant de 1620, tous les attributs de la rue médiévale y sont réunis. Il s’agit de l’ancienne entrée de l’hôtel Barbette, résidence de la reine Isabeau de Bavière au début du XVIe siècle. L’impasse menait au champ de tir où s’entrainaient les arbalétriers.

Les historiens pensent que c’est à cet endroit, le 23 novembre 1407, que Louis d’Orléans, frère du roi Charles VI et grand rival de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, fut assassiné sur les ordres de celui-ci alors qu’il revenait d’une visite à la reine Isabeau de Bavière.

Le temps passe et nous terminons, cette balade sur la place des Vosges, située à l’emplacement du Palais des Tournelles, résidence royale, bâtie en 1388.

C’est en 1559, à l’occasion du mariage d’Elisabeth de France avec Philippe II d’Espagne que le roi Henri II est blessé mortellement, lors d’un tournoi ayant eu lieu à proximité du Palais. Henri II participe aux joutes portant les couleurs de sa maitresse Diane de Poitiers, assise à côté de la reine Catherine de Médicis. Le capitaine de la garde écossaise Montgomery blesse mortellement le roi, sa lance pénètre dans son œil, le roi meurt le 10 juillet 1559 après dix jours d’agonie…

Montgomery se réfugie en Angleterre mais revenant en France aux côtés des Huguenots, il est capturé sur les ordres de Catherine de Médicis et décapité sur la place de Grève en 1574.

Catherine de Médicis fera détruire le Palais des Tournelles en 1663.

C’est Henri IV qui décide de créer la Place Royale dont il ne verra pas l’inauguration en 1612 ayant été assassiné deux ans plus tôt.

Victor Hugo ironisa : « C’est le coup de lance de Montgomery qui créa la place des Vosges ».

Elle reçut son nom actuel en 1800 en hommage au premier département ayant payé ses impôts en totalité.

Nous nous séparons à cet endroit, certaines iront consommer une boisson chaude dans un café, d’autres reprennent les transports en commun.

En espérant que les détails sordides des affaires racontées dans ces quartiers ne provoqueront pas de cauchemars chez les personnes sensibles !!!

 

Texte : Denise Meunier – Photos : Christiane Bruneau

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